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27 février 2013 3 27 /02 /février /2013 10:00

Le casse-tête cette semaine chez Sherry est : soupe

 

Ce mot est utilisé un peu à toutes les …sauces. Il veut dire mélange avant tout. Liquide aussi. Lorsqu’il s’agit de légumes on évoque un potage, un velouté, un bouillon. Et chaque région, chaque pays a ses spécialités : bouillon bordelais, minestrone si on ajoute du lard et des pâtes en Italie, Chorba contenant de la viande au Maghreb, Pho vietnamien, par exemple. On adore découvrir les ingrédients sous la langue claquant au palais, lorsque la consistance ne renseigne pas sur le contenu. Une soupe fumante et odorante est le régal des longues journées d’hiver quand il bruine, pleut ou neige, et parfois il s’agit de soupe pas de neige, au dehors. Elle réveille nos papilles endormies, réconforte l’estomac, réchauffe nos membres engourdis.

 

minestrone.jpg

 

Ce mot évoque aussi pour moi les années fac. Quand, au cours des séances  de TP, on nous distribuait des soupes, mélanges d’ions chimiques dont il fallait donner la formule, en isolant chacun d’eux par des réactifs. Je me souviens surtout de blouses trouées, de  doigts brûlés, et d’yeux qui pleurent. Je me rappelle de tubes à essai bleu cobalt, marron rouille ou vert turquoise. Je revois de la fumée, des bulles, j’entends des bris de verre au-dessus de becs bunsen. Ces soupes-là étaient fameuses !

 

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Je parlerai aussi la soupe populaire. Cette dernière ne devrait plus exister. En raison de la pauvreté et de la précarité, le recours aux bonnes volontés est nécessaire, indispensable aujourd’hui, ce qui est bien triste. Cette soupe est la marque de l’entraide, du soutien, de la compassion de l’homme envers l’homme. De la soupe pour les hommes et de la soupe, un mélange, entre les hommes. Cette soupe est un régal !

 

Enfin  je choisirai une dernière soupe à laquelle nous ont habitué  nos politiques. Ils nous la servent régulièrement dans les domaines économiques et sociaux . Mais je préfère évoquer le carnaval, autant pourvoyeur de... grimaces.

 

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20 février 2013 3 20 /02 /février /2013 10:00

 

 

apothicaire

 

Il n’est pas toujours facile de trouver les mots derrière le comptoir. Le premier contact se fait au travers de l’ordonnance qu’on nous tend en silence. Lorsqu’un client ou une cliente qui ne venait que pour une boite de Doliprane ou  de vitamine C jusque-là, déplie une grande page blanche estampillée Hôpital Gustave Roussy, Villejuif, ou Centre des maladies du sein, Hôpital Saint Louis, l’instant devient grave. Sa main tremble un peu et le teint vire au jaune pâle. Le sien, le nôtre. Les mots échangés sont : pour demain, ça  va ? Il faut que  je commande. Le malade répond: oui, le protocole commence lundi prochain. Puis il pose une question technique : le mélange pour mon bain de bouche, je le fais dans une bouteille en plastique ? Je la place au réfrigérateur ? Et nous rassurons le plus calmement possible et d’un ton neutre : oui bien sûr !

 

Les yeux se cherchent ou s’évitent, cela dépend de la confiance, de la peur, de la timidité, de la foule autour. Cela dépend de la fatigue, des enfants, du moral. Du temps aussi, un rayon de soleil, une pluie de grêlons, la neige au dehors. Tout a son importance.  La maladie doit être acceptée et combattue, intégrée et chassée. Et tout ce qui contribue à alléger le poids qu’un malade traîne en permanence, est un petit bonheur qu’il serre contre lui.

Je l’ai servie ce matin, elle avait ce teint de cire et un bonnet noir posé par-dessus. J’ai pris le temps de l’interroger, ce à quoi je me risque rarement. La fréquence des chimios, la violence des nausées, la grand lassitude, les frissons… Elle m’a dit, j’avance, j’ai pas le choix. On verra après. Elle m’a souri, j’ai secoué la tête en silence comme pour dire : vous manifestez un courage qui me dope. Et ça lui a fait du bien, cette petite admiration muette dans mes yeux.  Elle m’a posé la question qui n’osait  pas franchir ses lèvres : J’ai besoin de comprimés pour la repousse des cheveux, que me conseillez-vous ? On aurait dit qu’elle ne voulait pas paraître coquette ou futile. Que mes questions l’avaient enhardie. Qu’elle me demandait : à votre avis, j’ai  encore le droit d’être belle ?

En partant, elle m’a remercié de l’avoir écoutée, de lui avoir consacré un peu de mon temps. Et ça a éclairé mon après-midi.

 

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9 février 2013 6 09 /02 /février /2013 10:00

 

 

EN PAUSE

 

 

Empreinte cette semaine chez Sherry

 

20-janvier-2013-2725.JPG

 

Un soir d’été à l’heure exquise

Chaleur épaisse couvrant la nuit

Des rubans de lumière  se brisent

Et se poursuivent  à l’infini

 

 

JUSQU'A

 

 

20-janvier-2013-2270.JPG

 

 

Certains choisissent l’ombre, leur doux  profil, admirent

Et puis doucement  sombrent, dans l’onde qui les attire

D’autres empruntent les rayons d’un soleil aveuglant

Jolie feinte aux barques   sur la rivière  glissant

 

MERCREDI

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29 janvier 2013 2 29 /01 /janvier /2013 10:00

 

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Quand paraît un ciel clair au détour de l’hiver

Le printemps se rebelle, et s’affranchit, et cogne

La saison qui se meurt en un baiser amer

Et l’haleine du vent, à mes oreilles grogne

 

 

 

Photo 016

 

Un vent de liberté

Des vaguelettes bleutées

Et depuis le rivage

Une envie d’enfant sage

Etendre sa ramure

Et voler vers l’azur

S’élancer, pas trop haut

Se refléter dans l’eau

 

 

 

Photo 053 

 

N’avoir pour destinée que précéder, larguer

Les navires au long cours, vers leurs chemins d’errance

Et s’arrimer à quai, bel insecte englué

Une petite souffrance pour un cœur en partance

 

 

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23 janvier 2013 3 23 /01 /janvier /2013 10:00

Le casse-tête cette semaine chez Sherry est : relax

 

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Facile à dire quand on a des projets plein la tête. Qu’on ne sait pas classer  ses idées selon l’urgence. On veut bien faire, et tout faire. Changer la litière du chat et sortir les poubelles, préparer son sac de piscine et téléphoner à une copine. Prendre rendez-vous chez le coiffeur, foncer un moule à tarte, poster un texte sur son blog. Feuilleter le dernier Elle d’un œil distrait tout en écoutant Voulzy. Ecouter les infos à la télé et lire les news sur Yahoo pour comparer. Aller bosser en sachant qu’il faut ramener un Humex rhume pour le fils, un savon Rogé Cavaillès pour la fille, l’ordonnance de la voisine. Passer chez  Carrefour mais comme il neige y aller à pied et laisser tomber la moitié des courses.  Se préparer un café mais oublier de recharger la SAECO, décider d’aller voir le dernier Tarantino mais se retrouver piégé par les amis qui déboulent à la dernière minute.

Se plonger dans un bouquin, s’enfermer dans la chambre quand le chat gratte à la porte. Programmer son week-end avec doudou,  attraper la grippe. Parenthèse, un de mes clients soigne la sienne en étalant de la confiture de piment sur une demi-baguette et en avalant un Fervex avec un verre de vodka, si ça tente quelqu’un ! Trouver une idée de repas pour dimanche midi quand déboulerons les pièces rapportées des djeuns. Constater qu’on a maigri, je dis bien maigri de quatre kilos en deux mois et s’inquiéter qu’un régime marche aussi bien… 

Enfn bref, relax moi ! Pas vraiment, même si je l’avoue, j’ai forcé sur les anecdotes, cela dit j’ai vraiment maigri.

 

 

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21 janvier 2013 1 21 /01 /janvier /2013 00:00

Pour illustrer à la fois la photo sujet de la quinzaine chez Miletune et le défi 94 parti de chez Hauteclaire nous invitant à proposer une suite pour un film qui nous a plu.

 

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Frits Thaulow

J’ai pensé à Bruegel l’Ancien.  Parce que l’étendue blanche et les toits recouverts de neige c’est son domaine. Les arbres  filiformes qui accrochent le ciel aussi. Et les maisons posées ça et là comme de jolis cubes dans un paysage de gands espaces. Le gris, le blanc, le marron sale des montagnes, et la vie au milieu. Chez l’un des villageois patinent, chez l’autre un skieur slalome. Chez Bruegel l’Ancien on pense aux cartes postales, aux vœux que l’on échange car la neige est une fête, on y danse plus qu’on y marche et rien ne la griffe, personne n’y pèse de tout son poids. Il y a foule cependant, et l’on papote, on discute avec véhémence, en agitant les bras en tous sens parfois.  Chez Thaulow la neige est foulée, tassée, chiffonnée, vivante et nue pourtant. Comme si la foule était là quand même, muette. Le décor est posé mais un peu inquiétant, tout le monde se terre. Le soir tombe peut-être, à en juger par la teinte jaune orangée  que prend le sol à l’arrière-plan et les toits fument, c’est l’heure du dîner. Ce silence…

 

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Bruegel l'Ancien

Le décor est planté. Je pense à « Into the Wild » un film de Sean Pen où un jeune homme abandonne sa vie confortable et son brillant avenir pour affronter la vie au grand air et les neiges de l’Alaska. Il y finira sa vie seul, isolé de tous, et dans une grande détresse. Alors j’aime imaginer que ses pas le portent vers un village comme l’un de ceux-là aux toits embués, où une odeur de lard et de soupe aux choux s'échappe par les fenêtres. Il s’aventurerait d’un pas hésitant, la neige en témoigne. Il avancerait avec peine, on entendrait quelques accords de piano, plaqués comme de la ouate. Et cela résonnerait dans sa tête, au rythme de la marche, indiquant la pesanteur, les pieds qui s’enfoncent et soulèvent de la poudreuse. Le seul cri, juste avant le générique de fin serait une voix, un écho, l’accueil de la montagne relayant le skieur venu à sa rencontre pour le relever juste avant qu’il ne s’effondre : « Ohé, vous avez besoin d’aide ? »

 

wild

Into the wild

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20 janvier 2013 7 20 /01 /janvier /2013 10:00

 

 

L’exposition « L’impressionnisme et la mode » ferme ses portes au musée d’Orsay, aujourd’hui à Paris. Et j’ai attendu les derniers jours pour m’y rendre, un après-midi en semaine. Je m’étais dit, évitons la foule des débuts d’expo, l’attente aux caisses, les queues à méandres multiples, la chaleur des salles, les bousculades devant les vitrines, les remarques parfois incongrues des visiteurs, les « please where are the toilets ?»,  les « no flash, pas de photo ! » des gardiens débordés. Eh bien je n’ai absolument pas échappé à tout ça. Mais l’exposition est une réussite qui par magie, une fois le cordon de sécurité franchi, m’a fait bondir dans le temps. Elle laisse venir à soi cette seconde moitié du dix-neuvième siècle comme une ronde, une fête, un bal permanent.

 

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Tout d’abord parce qu’il s’agit d’une immersion dans le beau monde, celui des titrés et des artistes. Un monde où l’on porte des robes de lever, de matinée, d’après-midi et de soirée. Où l’on froisse la mousseline et le taffetas, où l’on  porte la soie et les cotons légers, où l’on exhibe polonaises (jupons à trois volants) et nœuds plats. Un monde où l’on se rend chez la modiste gantée de blanc, où l’on dévoile une cheville sagement troussée dans  une chaussure à talons courts. Un monde où tout dandy qui se respecte affecte une pose distanciée et dédaigneuse, vêtu d’un habit sobre de pingouin.

 

fantin latour

Henri Fantin Latour par Edouard Manet

 

On découvre les grands magasins, les journaux de mode, les maisons de couture. On dessine et l’on peint la parisienne. Elle prend la pose, pas toujours de face, on doit remarquer la tournure de sa robe et son maintien, son allure, son élégance. Elle montre ses enfants dans leurs habits de fête, elle affiche déjà cette tenue de soirée qui deviendra notre « petite robe noire ».

 

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La parisienne par Edouard Manet

 

Elle offre ses bras ronds et dodus, et son décolleté audacieux aux regards éperdus de ces messieurs, dans sa loge au théâtre. Elle se promène oisive, à la campagne, en  relevant ses jupons par un système de tirette. Elle se dénude savamment, on aperçoit corsage, jupe, lacets et bas, abandonnés au sol.

 

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Rolla par Henri Gervex

 

Elle rejette le corset, choisit les nœuds, les plis à l’arrière, tout est codifié, manchon, voilette, ombrelle, hauteur des talons. Elle se laisse photographier par Disdéry, les photos s’échangent. La femme est un tout, sa grâce, son sourire, la finesse de ses attaches sont sublimées par le costume, par la lumière.

 

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Bord de mer par James Tissot

 

L’homme parfois arbore des tenues claires, ou décontractée sportives, mais c’est pour mieux asseoir son originalité, son rang, son appartenance.

La mode selon Baudelaire permet d’accéder à la morale et à l’esthétique du temps. Selon Manet, la dernière mode, pour une peinture, c’est tout à fait nécessaire, c’est le principal. Pour Degas, le chatoiement du taffetas, la matité du velours, la légèreté des fleurs en soie ou des plumes, priment. Mais pour tous les impressionnistes, les femmes sont des silhouettes qui ont acquis leur indépendance. Cette exposition était grisante comme une valse dansée au bras d’un excellent danseur, je suis ressortie un peu groggy.

 

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Une soirée par Jean Béraud

 

Et je laisserai le mot de la fin à une dame tout de près moi qui s’adressait à une amie en disant : « je pense qu’il faut rendre hommage à toutes les repasseuses qui défroissaient ces robes, je n’aurais pas aimé être à leur place ! » 

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Femmes au jardin, par Claude Monet

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18 janvier 2013 5 18 /01 /janvier /2013 10:00

 

Cette semaine chez Sherry le casse-tête est:" un plus un = ?"

 

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Quand je l’ai surpris, il clignotait de branche en branche, comme pour faire une farce et m’inviter à le suivre.  Et puisque je le filmais distraitement,  il s’inquiéta : tu n’y mets pas assez de coeur! Cesse de te jouer de moi, de faire comme si je n’existais pas, que tu ne m’avais pas vu. Tu sais bien que  je t’épie, je ne te lâche pas, il faut que tu saches. Je veux que tu me voies briller, je souhaite que ma puissance et mon rayonnement t’aveuglent. Je suis le plus beau, je suis l’astre au firmament. Et même mon déclin, est un feu d’artifice. Rien ne peut me vaincre. Attends une heure, reste là une heure de plus.

 Un cliché de lui en fin d’après-midi plus une heure de patience de ma part, en paparazzo déterminé à obtenir un scoop, m’ont permis de fixer le soleil prenant son bain. Ce soir-là, un peu agité, il éclaboussait tout sur son passage.

 

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15 janvier 2013 2 15 /01 /janvier /2013 10:00

Je publie un texte que vous trouverez peut-être long, mais j’avais envie de vous faire partager une petite page historique et culturelle du Maroc à l’époque de l’Indépendance, au travers des lettres que mon père, professeur au lycée Al Khawarizmi de Casa, envoyait à ma mère restée à Paris.

 

4 juillet 1957

Depuis mon retour, j’ai trouvé des changements dans notre quartier. La route qui passe devant chez nous est terminée. Beaucoup de nouvelles constructions, mais ce ne sont que les marocains qui construisent. Les européens continuent à partir mais il ne faut pas croire tout ce qu’on raconte car je me suis aperçu qu’il y a encore pas mal de français. Certes de nombreux magasins et usines ont fermé. La vie a sensiblement augmenté mais le calme est rétabli. Les européens qui auparavant se montraient hargneux ne sont plus que grands sourires, j’en reste sidéré. Comme l’indépendance les a subitement changés ! Seuls les fonctionnaires, policiers, postiers, douaniers ont été mis à la disposition de l’ambassade. Pour l’enseignement le gouvernement nous a proposé des contrats de un à cinq ans. Rien n’est encore établi car il règne dans tous les services administratifs une pagaille monstre, c’est à qui s’en foutra le plus. Les français ne veulent plus prendre de responsabilités et les marocains ne sont pas encore à la hauteur. A vrai dire nous ne sommes pas plus avancés qu’il y a un an. Ce qu’il y a de sûr c’est qu’il ne faut pas compter faire carrière au Maroc, nous en avons pour quatre cinq ans maximum, pour les fonctionnaires s’entend. Ces fameux contrats ne garantissent pas grand-chose surtout du point de vue social. Je serai obligé de signer comme tout le monde mais pour un an renouvelable chaque année.

 

 Mardi 9 juillet.

C’est la grand fête au Maroc : la fête de l’Aïd El Kébir (Fête du mouton). Ce matin nous avons entendu de chez nous la prière rituelle dite en plein air par plus de vingt mille arabes. Ensuite il y a eu la cérémonie du sacrifice qui consiste à égorger un mouton devant le mur des immolations. Cette cérémonie a lieu en plein air à peu près à huit cent mètres de chez nous. Le grand prêtre exécute le mouton qui est aussitôt transportée en voiture à la demeure du Pacha (environ 1Km 500). Si la bête arrive vivante c’est un présage de bonne année et alors retentissent les 21 coups de canon qui annoncent aux fidèles la bonne nouvelle et marquent aussi le commencement des manifestations populaires.  Les  fameux 21 coups de canon retentissent chaque année ce qui n’entraîne pas que les années soient meilleures pour cela.

 

 11 juillet

16H15 … Tiens me voilà, vois-tu je n’ai pas été trop long. Il fait si bon être près de toi, alors continuons notre petit bavardage. Ici la température a un peu augmenté, 29° à Casa, mais c’est très supportable car il y a une brise fraîche. Par contre dans les villes de l’intérieur, il fait très chaud Fès 44°, Marrakech 40, Kouribga 41, Tadla 42…

 

2 août

J’ai lu sur le journal aujourd’hui que la sécurité sociale va être instituée pour les français du Maroc. Cela arrangera pas mal de salariés et qui sait, tu pourras te faire muter à Casa. Peut-être as-tu déjà entendu parler de cette nouvelle.

 

10 août 1957

Mardi c’était fête au Maroc pour l’Achoura : jour de l’an marocain. Pour nous c’était un jour ordinaire, les deux communautés vivent complètement séparées, d’autant qu’il s’agit de fête religieuse. Aujourd’hui c’est l’anniversaire de notre «  Auguste Souverain », il a 48 ans, des festivités strictement familiales sont prévues dans sa résidence d’été qui se trouve à Walidia, petite localité estivale située à quelques kilomètres de Mazagan. Son fils, SAR Moulay, Hassan organise dans sa maison particulière qui se trouve pas loin de chez nous, une réception en l’honneur de son père. Depuis l’indépendance, les marocains ne ratent pas une occasion de fêter les anniversaires en grande pompe, mais les caisses de l’état sont vides. Chez nous les français, il y a une sacrée pagaille dans la sphère administrative. Je n’ai pas touché ma solde de juillet.

 

 

14 août 1957

Demain 15  Août, nous irons certainement à la messe, et l’après-midi au port voir les régates. Ici comme partout où il y a un port, on organise des fêtes à l’occasion de la fête de la mer, promenades en bateau, régates, bals, feux d’artifice. Le soir une procession parcourt les rues d’un quartier de la ville. Tous les arabes sont de sortie ce jour-là. Curieux ils se massent et regardent hébétés ce qui se passe. A présent ils ne se gênent plus, ils rentrent dans les églises par simple curiosité. L’indépendance leur donne de l’audace.

 

 

21 août 1957

Je ne vais à aucun spectacle. Il faut dire que ce n’est pas la saison. En ce moment tout le monde est à la plage ou en vacances en France, ou rentré définitivement.

J’ai reçu ce matin une lettre express de Rabat m’informant que j’avais à adhérer au protocole annexe de la convention culturelle franco marocaine. Je suis donc mis à la disposition du gouvernement marocain et lié par un contrat de deux ans renouvelables.

 

24 août

Je te joins deux cartes postales pour que tu aies une idée des rues et des maisons ici. C’est la place de France, le centre de la ville où sont rassemblés tous les autobus, c’est loin de valoir l’organisation parisienne ! Au premier plan il y a des marocains et des marocaines en costume du pays. Depuis qu’ils sont indépendants, ils circulent partout. Autrefois, ils restaient dans leurs quartiers en Médina.

 

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 29 août

 Le soleil ne cesse de briller dans le ciel bleu et la température se maintient aux environs de 25°. A présent Casa commence à s’animer, les gens sont rentrés de congé. La rentrée scolaire aussi approche à grands pas et déjà on  se demande ce qu’elle sera. De nombreux enseignants sont partis laissant un grand nombre de postes vacants. D’autre part l’effectif des élèves marocains augmente chaque année, il est très probable que nous ayons du boulot sur la planche.

 

11 septembre

Merci ma chérie de ta proposition de m’envoyer des journaux de France. C’est inutile nous avons tous les journaux du jour. Je peux lire en même temps que toi,  le Figaro, France soir, l’Aurore et le Monde. La poste aérienne est rapide : 4h 30 de Paris. Chaque semaine comme à Paris j’achète « arts et spectacles ». Je sais ainsi tout ce qui se passe dans la capitale. Mais dis donc Casa n’est pas un trou perdu, c’est un petit Paris au 1 /50000. PS : j’ai adoré le disque de Raymond Devos que tu m’as conseillé avec : La Mer et A Caen les vacances.

 

 

25 septembre

Un camarade de promotion m’a rendu visite. Il est à Casa pour faire ses adieux car il rentre définitivement en France dans un collège technique du sud-ouest. Les départs se poursuivent à un rythme soutenu. Cette rentrée s’annonce difficile car il y aura beaucoup de travail ; plus de 750 000 élèves scolarisés. Les classes sont  surchargées. Le journal local rassure les parents d’élèves en disant que tous les postes vacants ont été pourvus, qu’il n’y aura pas de crise de professeurs. Cela est très possible mais la qualité de l’enseignement en souffrira étant donné la médiocre qualité des derniers recrutements. Et en ce qui me concerne je ne veux pas me tuer au boulot.

 

1 octobre 1957

 Un petit mot avant de m’endormir pour te dire ce qu’a été cette première journée scolaire. J’avais hâte de retrouver mes collègues. Ce premier jour  nous avons affecté les élèves dans les différentes sections. L’école, une des plus importantes de Casa, ne compte pas moins de 1000 élèves. Elle était assaillie par une meute de gosses de tous âges variant de 5 à 18 ans. Inutile de te dire si nous avons eu du travail : distribution de fournitures scolaires, relevé des noms des élèves  des différentes sections, affectation aux différents ateliers, remaniements dans la liste des inscrits etc…

Pour le moment j’ai à m’occuper des « 3ème année électricien », c’est-à-dire les élèves préparant le CAP. J’en ai 15 et je crois que j’arriverai en m’en tirer sans trop d’encombres. Nous sommes deux à nous occuper de la section électricien. Un nouveau titulaire qui vient de terminer son stage et moi. Le travail partagé permet de commencer dans de bonnes conditions. Cette année  s’annonce sous de bons hospices.

 

Dimanche 6 octobre

Je crois qu’à Paris la saison théâtrale va bientôt commencer, tu pourras te divertir un peu, voir des pièces intéressantes. Ici aussi la saison est bien remplie, on joue des pièces qui ont été jouées à Paris telles que : Requiem pour une nonne, Thé et sympathie, Ne faites pas l’enfant. Il y aura également du Music- Hall : Roger Pierre et Jean Marc Thibault. J’espère pouvoir aller à certaines de ces représentations.

 

 23 octobre 1957

Tes impressions sur le dernier Clouzot « Les espions » correspondent aux critiques  que j’avais lues sur un « arts et spectacles ». En effet de la part d’un tel metteur en scène le spectacle est quelconque et déçoit. Dimanche nous avons vu « Porte des Lilas » avec Brassens, Dany Carrel, Bussières, Annette Poivre. Le film nous a plu. Les séquences sont excellentes, bien interprétées par des acteurs de renom. Brassens lui n’a qu’un rôle secondaire, il semble n’exister que par ses chansons. Par contre Brasseur selon son habitude est le grand chef de file, le point de mire d’où rayonne toute l’action. En somme, une production raisonnable qui m’a fait passer quelques heures agréables dans ce Paris enchanteur.

 

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En ce moment se prépare en grande pompe, le circuit automobile international qui aura lui à Casa avec la participation de grands cracks mondiaux tels que Fangio, Moss, Behra, Maurice Trintignant… Il y aura plus de 70 000 spectateurs, le prix des places varie de 300 à 5000 francs. Dimanche, ce sera journée populaire.

 

 Trintignant

 

4 novembre 1957

Les fêtes de la Toussaint se sont passées sans éclat. Tout d’abord parce que les traditions se perdent et maintenant nous sommes dans un pays étranger où les manifestations sont réduites du fait de certaines dates, ainsi le premier novembre est l’anniversaire de la rébellion algérienne.

 

30 novembre 1957

On ne s’est pas aperçu de la sainte Catherine, dans notre profession nous avons d’autres chats à fouetter. Peut-être que dans le privé…Nous sommes retirés de la ville et ignorons ce qui s’y passe. On sent venir Noël à grands pas. Les magasins sont pleins de monde, aux Galeries Lafayette, les vitrines remplies de jouets animés attirent et retiennent petits et grands, ce qui a  pour effet de créer de sacrés embouteillages.

 

5 décembre 1957

Depuis quelques jours nous participons à l’opération "yeux". Chaque année le service de santé organise une campagne contre la maladie des yeux, en particulier le trachome très fréquent chez les marocains. Nous badigeonnons deux fois par jour les yeux de nos élèves avec de la pommade à l’auréomycine. Ce n’est pas un travail très plaisant et il demande une propreté rigoureuse.

 

 

16 janvier 1958

Cette année scolaire n’est pas très agréable pour le personnel enseignant, on sent qu’il manque quelque chose, le cœur n’y est pas. Il est évident que lorsqu’on reste trois mois sans être payé ça donne à réfléchir. De nombreux instituteurs de France ont répondu comme un seul homme aux propositions du gouvernement marocain et n’ont jusqu’à présent pas touché un centime de leur traitement et de leurs frais de voyage. Ils en sont à mendier, le mot n’est pas trop fort, auprès de collègues pour au moins assurer leur existence et celle de leurs familles. Quant à payer les heures supplémentaires…Dans quelque temps la vie au Maroc deviendra intenable. On y reste tout de même car on a moins de dépenses qu’en France et on s’est habitué, le soleil est notre allié de toujours. Mais il est vexant de voir qu’on nous a promis plus de beurre que de pain.

 

 

 

J’arrête là, il me semble avoir restitué une ambiance, une époque, des souvenirs. J’espère ne pas vous avoir trop ennuyés.

 

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9 janvier 2013 3 09 /01 /janvier /2013 10:00

 

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J’adore les brocolis. Cela peut surprendre car je ne connais pas grand monde qui les aime. Le plus souvent on me dit pouah ! beuh ! tu as de drôles de goûts. Ou encore, ça n’a pas de goût, justement. Et il n’y a pas trente-six manières de les cuisiner, à la vapeur, pour une dégustation nature ou en salade. Crus, à l’apéritif, afin de garder la ligne… Mixés dans un potage… Enrobés dans de la pâte à beignets… Là peut-être que vous feriez un effort, parce qu’un beignet, c’est un beignet, gras et fondant sous la langue. Mais en règle générale le brocoli, c’est un légume d’hôpital, qui contrarie les malades comme une punition. Ce n’est même plus un légume, c’est un médicament de plus.

D’ailleurs le brocoli contient du chrome, qui régule la glycémie, du magnésium, antistress, antifatigue, de la vitamine C, dopant naturel. Et du fer, du potassium, du phosphore. Ce bel italien dont le nom signifie bouton, n’a que des qualités et sa culture dans le potager, de mars à mai, est relativement aisée. Enfin bref, je ne sais pas comment convaincre les plus récalcitrants de se laisser envoûter par ce cousin du chou-fleur qui  à l’audace de porter la couleur de l’espérance.

Mais si je parle de lui aujourd’hui c’est pour placer ma chute. Car l’autre matin, une de mes clientes est arrivée à la pharmacie en râlant :

-          Oh la la, avec ce temps bizarre, le bébé de ma petite-fille a attrapé des brocolis !

Elle n’avait pas totalement tort finalement, la forme des brocolis rappelle bien celle des bronchioles pulmonaires !

 

 

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