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20 décembre 2008 6 20 /12 /décembre /2008 14:30


Nous sommes à moins d’une semaine de Noël et j’ai envie de penser à tous ceux qui le vivent autrement qu’ici, au coin du feu, qui ne  rêvent pas de foie gras, champagne et autres plateaux de fruits de mer. Qui ne salivent pas devant les treize desserts ou la bûche Noël.

Au Vénézuela, on raffole de galettes cuites au four dans des feuilles de bananier, aux Antilles on tue le cochon ou on va déguster le crabe sur la plage. On décore les manguiers sous un soleil de plomb car c’est la saison sèche. A la Marina de  Pointe à Pitre, on sirote un tit punch en bras de chemise avec des accras, avant d’aller à la messe.  Je parle ici du climat, de l’ambiance. Tous ceux qui ont vécu Noël au chaud ne comprennent pas qu’on le fête sous la neige. Ceux qui ne connaissent que la morsure  des jours d’hiver, trouvent impensable de le vivre par 30° à l’ombre.

 

A l’hôpital, on a dressé un sapin dans le hall, des Père Noël appelés à la rescousse font rêver des petits malades avides de cadeaux et de férie. Dans les services on offre des chocolats aux infirmières, aux malades quand c’est possible, on améliore l’ordinaire, il y a un repas de fête le 25 décembre. On cajole les petites grand-mères, on rassure les futures mamans,  on écoute les souffrances attentivement. Dans les services de soins palliatifs, on allège les jours qui restent, on les épure autant que faire se peut. Je parle ici de souffrance, de partage, de compassion.

 

A l’armée du Salut, dans les centres de désintoxication, dans les foyers pour femmes esseulées, au bas de chez nous, la détresse est à notre portée. On ne peut pas fermer les yeux quand tous les supers marchés sollicitent notre porte monnaie, non, définitivement, notre générosité. Quand les journaux publient des photos agressives, évoquant la famine et la sécheresse. Je parle ici de combattre l’indifférence, de faire preuve de solidarité.

 

Et je pense à Mohammed, David ou Li pour lesquels Noël ne représente rien. Le 25 décembre est un jour comme un autre, certains jouent le jeu et font la fête pour la famille, offrent des cadeaux aux enfants. D’autres affichent un réel désintérêt et ont raison pourquoi pas. Des fêtes, des occasions de se réunir en famille ou avec des amis, il y en a d’autres dans leurs religions respectives.   

 

Si j’insiste finalement c’est pour dire qu’une fête est toujours un moment d’échange et d’oubli de soi pour aller vers l’autre ou l’imaginer tout simplement dans son cadre de vie. Lutter contre l’égoïsme, contribuer selon ses moyens à conserver au monde son humanité. Alors joyeux Noël à tous !

 

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8 décembre 2008 1 08 /12 /décembre /2008 21:02

48 - Mots Imposés (Kildar)

Utiliser tous les mots dans l'ordre donné

Sens, vie, crise, testament, trivial
toxine, Bible, pleure, superflu, jouer
suivre, crier, venger, clairement, cyniquement.

 

 

C’est en découvrant le dernier prix Fémina attribué à Jean Louis Fournier pour : Où on va, papa ?, que j’ai repensé à Lino Ventura et à son association Perce Neige. Quand il parlait des enfants différents, du sens qu’il faut donner à leur vie, du regard que l’on doit poser sur eux, surtout lorsqu’ils sont en crise. C’était un peu son testament, ce message dont  le regard de l’acteur, pudique, profond, blessé, en aucun cas trivial, sublimait les mots. Le regard de l’autre peut être une toxine inoculée à petites doses, jour après jour, démolissant la confiance et la joie de vivre, deux notions qui constituent habituellement la Bible de toute existence.

Mais il peut aussi empêcher que l’enfant ne pleure, ne se sente rejeté, exclu, que ses efforts afin d’attirer l’attention, l’amour, ne paraissent superflus. Un enfant dont la sensibilité n’est pas la nôtre sait comme tous les enfants jouer, suivre un groupe dans lequel il est à l’aise, crier pour se défouler dans une cour de récréation.

Alors on peut user d’un langage un peu vif et non dénué d’humour, comme un besoin de se venger d’un sort trop cruel, afficher clairement, cyniquement diraient certains, son ras le bol, son manque de patience, ainsi que Jean Louis Fournier le souligne dans son livre. On peut adopter la discrétion de Lino Ventura, mais en aucun cas on ne doit rejeter ces enfants qui sont, avant tout, les fruits de l’amour.

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20 novembre 2008 4 20 /11 /novembre /2008 16:35

Consigne 69: Chroniques intimes

Aujourd’hui RAS. A part la rage, l’envie de bouger, et ne rien pouvoir faire. Car demain c’est le verdict de la mammographie de contrôle. L’affreuse radio qui dira si je peux continuer à élucubrer, rire, dire des bêtises et rêver de grands bruns musclés ou s’il faut tout mettre en stand by et se battre. Je piaffe inutilement comme un alezan devant  l’obstacle. Avec les collègues, je lis des articles tels que : Je grossis sans manger ou comment maigrir sans régime. Aucun intérêt puisque c’est métabolique, à mon âge on capitalise, on amasse, on rentabilise ses kilos.

J’ai appelé mon amie Josiane. Je  m’entortille dans ses problèmes pour me décharger des miens, en minimiser l’importance. Elle me parle d’une conférence qu’elle doit animer le mois prochain. Le thème est l’engagement, tout un programme ! Elle se donne du temps depuis son dernier poste. Quelques interventions par-ci, par-là, rien de définitif. Son travail n’était pas intéressant, elle est partie du jour au lendemain. On ne l’y prendra plus. Le ron ron du téléphone, l’énergie dans sa voix me font du bien.

 

J’ai rendez-vous à dix heures, ce matin. Ce qui veut dire tétanie, handicap, déconnexion des neurones. Décérébrée je suis. J’ai peur, alors tout va mal. En me levant, j’ai renversé la poubelle et failli marcher dans la litière du chat. Je pars avec une heure d’avance, mais il y a des travaux vers l’hôpital Saint Louis et je longe trois fois le canal St Martin avant d’arriver place de la République. Mes doigts se crispent sur le volant que je lâche. Mes mains se joignent en une prière à sainte Rita, patronne des désespérés. A Apollon,  Cupidon, Aphrodite, Valentin. Tous ceux qui de près ou de loin ont un rapport avec l’amour, avec mon homme et mes états d’âme. Parce que sans mon homme, je me sens minable et pas belle. J’écraserais bien toutes ces filles jeunes et jolies qui passent devant mes roues, pour leur apprendre à respirer la bonne santé et les promesses. Enfin je me gare. Un automobiliste courtois et souriant me permet de lui voler la priorité. Pas maintenant, monsieur, je ne sais pas encore si vous avez raison de me draguer. Si je n’ai pas les rototos en sursis. Si on ne va pas me hacher le buste en deux mots secs : tache suspecte. Si je ne vais pas hurler doucement en moi, tout au fond, pour ne pas affoler mon homme et nos louveteaux. Comble de bonheur, je passe tout de suite,  pas le temps de prendre racine à côté d’autres dindes en détresse dans la salle d’attente. De faire semblant de lire une page du dernier Katherine Pancol. Dans la cabine je compte mes pas, je respire à petits souffles mesurés comme durant les épreuves d’endurance au bac. La manipulatrice radio me rudoie et m’oblige à coller chaque sein sur une paroi lisse et froide comme son visage. L’interprétation des résultats prend du temps, je tremble, je dois rester torse nu en attendant.  Tant pis j’enfile mon gilet. Je recommence à déambuler les bras croisés, je me dandine comme une folle dans un asile. Le docteur  arrive, il est très beau, trop jeune, risque un œil lubrique sur ma poitrine. Ah, ce n’est vraiment pas le jour ! Il  me rassure, tout va bien, procède à l’échographie, fronce le sourcil, promène sa douchette, s’attarde, s’arrête,  me badigeonne de gel, m’ordonne sèchement de me tourner, à droite, à gauche. Il me persécute et me réconforte en même temps,  il utilise la méthode des bains romains, du chaud, du froid, j’allume, j’éteins la confiance. Feu rouge, feu vert… Puis c’est bon, vous pouvez y aller madame, n’oubliez pas d’apporter votre dossier avec vous, chaque fois, afin qu’on ne se pose pas trop de questions vous concernant. Dans votre cas, vous savez, c’est difficile. Il a un dernier regard sur ma poitrine, par en dessous, esquisse une pirouette, son pas racle le sol et pfutt, il s’en va.

Pourquoi ces précautions, ces insinuations, pourquoi c’est difficile dans mon cas ? Heureusement il y a internet, je décrypterai chaque mot du compte rendu. Je manipulerai la peur avec délice, j’aggraverai le diagnostic, j’augmenterai mon quota de nuits blanches. Ou alors j’irai à la piscine pour gérer le stress, un kilomètre de bassin, avec l’exquise sensation d’apesanteur, ne plus sentir Robert et René ballotter entre mes côtes.

Résultat, j’ai perdu mon livre dans une cabine. Katherine Pancol s’est évanouie, écoeurée de mes radotages de bonne femme. C’est tout dire. Parce qu’elle s’y connaît la Pancol en bonnes femmes.

 

Je me dépêche. Hâte de regagner la voiture, d’appeler mon homme, le rassurer, embrasser le combiné pour un transfert instantané de tendresse. Un agent de police est devant ma voiture, le képi de travers, un stylo dans la main, crissant sur un carnet. Il est tout rigide, bloqué par avance, professionnel. Il attend ma supplique, ma colère, mon coup de pied dans la roue. Il me tend son carton comme un bon point, triomphant. Je le remercie et je l’embrasse. Je m’autorise  un coup d’œil dans le rétro sur sa bobine éberluée et roulez jeunesse ! J’ai ma vie en cadeau, je compte bien en profiter.

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9 novembre 2008 7 09 /11 /novembre /2008 17:12

Je l’appellerai D.D. A dix sept ans, il n’avait rien d’un adolescent déluré et dragueur, ne savait pas mordre la vie avec des crocs acérés. Il était réservé, timide, portait des lunettes sur un visage piqué d’acné et son sourire arborait une dent de travers. Les filles, la séduction, tous les jeux des gosses bien dans leur peau, ça viendrait plus tard. Lui, ce qui le boostait, c’était les études. Deux ans de classes préparatoires, plus une troisième pour intégrer l’école de son choix, et voilà c’était parti. Il s’était lancé tout seul. Sans l’aide des parents, ces cours en plus, ces loisirs d’enfant gâté, cette émulation intellectuelle. Lui c’était un fils de cut’. Un cousin picard de Dany Boon. Son village c’était Paillart, à côté de Breteuil dans l’Oise. Où l’on s’assied chu’ch cayel le temps d’avaler un chtio kâfé, où l’on carbure au Picon bière dans les fêtes entre potes. Comme au  bistrot du coin, avec les potes toujours, de vrais paysans qui ont l’avenir tracé dans la succession au père.

 

Au cours de sa première année d’école, D.D. s’était fait discret sur le bizutage. Rien ne filtrait des épreuves de potaches, des mascarades d’un goût douteux qui forgent des liens entre les gars des promos. Cette volonté de servir, cette flamme ardente et pure, de l’amitié éternelle. Sur les photos de la promo AM Li 191-194, j’aperçois un jeune homme radieux, les boutons d’acné ont disparu. Il porte une blouse grise bariolée de signes cabalistiques, avec un écusson, de grosses lunettes en écaille, une chevelure et une barbe d’homme des bois. C’était l’une des règles de l’école : interdiction de se raser ou de se couper les cheveux durant le premier semestre. Il effrayait mon fils qui avait  quatre ans à l’époque, je m’en souviens, c’était hier. Sur d’autres photos, il a le costume de l’école, la casquette, l’écharpe rouge et les gants blancs. Le tout porté avec décontraction, nonchalance. Comme pour dire tout ça c’est notre folklore, la vie bien sûr, c’est autrement.  J’aime aussi cette photo où devant sa glace, il se rase de près, cette délivrance, ce bien-être après l’épreuve. D’autres souvenirs, plus incongrus se bousculent dans ma tête, comme cette ferveur devant le feuilleton « Le château des oliviers », lui et moi côte à côte sur le canapé, scotchés devant la télé, alors qu’il séjournait à la maison pour son stage à Paris.

Sur le livret de l’école il a le numéro 60, comme celui de son département, c’est une coïncidence, il s’appelle Sonny. Il appartient à la bande des betteraves.

 

Pendant les vacances, D.D. n’allait pas au Club, ou planter la tente dans le Vaucluse avec les copains, ni même vadrouiller au tour du monde, sac au dos. Les vacances, c’était les moissons. Pour aider son père, il parcourait les champs avec son tracteur et portait le blé à la coopérative. Il avalait de la poussière, se cassait le dos sous les ballots de paille. Et le soir, il retrouvait les potes. Au bistrot. Les amis du coin, à l’avenir tout tracé.

 

Après le temps d’école, deux ans à Lille, un an à Paris, il y eut le temps d’armée, à la Défense, au ministère, à Paris toujours. Il y eut les permissions, les retours aux sources, à Paillart. Et même s’il retrouvait les copains d’enfance, les origines, D.D. s’en irait un jour. Il le savait. Et ceux dont l’avenir n’offrait pas de mystère, le savaient aussi. Alors le fossé de l’envie, de la jalousie, s’est rempli.

Il a suffit d’une dispute un soir, au café. D.D. est sorti, tout colère. Il est monté dans sa voiture, a négligé sa ceinture, il en avait pour cinq minutes. La maison était proche. Mais les autres l’ont coursé sur la route de la Falloise. L’ont-ils réellement coursé, lequel conduisait, D.D. a-t-il perdu le contrôle de son véhicule ? On l’a retrouvé dans un champ, éjecté de sa voiture. C’était dans la nuit du 4 au 5 novembre 1994.

On a exploré toutes les pistes et leur contraire, à l’arrivée tardive des gendarmes. Et puis on a laissé tomber. Pour la famille, ses frères, sa sœur, il restait les larmes et le chagrin à vie. Pour les autres, le temps de l’oubli.

 

Six mois après nous avons reçu son diplôme à la maison. D.D. ingénieur des Arts et Métiers. Ingénieur « Garsdzarts ». Dans la famille, il était le premier à réussir de longues études. Il aurait aujourd’hui l’âge de Gérard Philippe ou de Guillaume Depardieu à leur départ. Il aurait déjà accompli de belles choses. On ne lui en pas laissé le temps. Pour nous il est encore là, il a toujours vingt trois ans. C’est Didier, mon beau frère.

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2 novembre 2008 7 02 /11 /novembre /2008 20:49

Avant, c’était mission impossible. Le matin, j’avais les enfants et l’école, les courses ou le  travail. A midi, ma pause déjeuner était sacrée. L’après midi, je me retranchais encore derrière le travail ou les copines, les devoirs des enfants. Et le soir, c’était le repas à préparer. Enfin là j’exagérais, j’ai un mari qui bosse à domicile. C’est bien pratique quelquefois le soir, un homme qui cuisine, c’est a-do-ra-ble !  Le dîner était le seul moment que je vivais réellement dans une famille harmonieuse, unie et muette devant la télé.

Elle m’avait fait la leçon, elle avait dit: après quarante ans, le sport c’est un must. Elle c’est ma bonne copine, celle qui me veut du bien. Transpire, souffle, attrape des crampes, gèle-toi les doigts, le nez, elle avait insisté. Obligatoire ! Retrouve ta légèreté, ta respiration, le goût de l’effort, de la discipline. Attends, ne dis  pas que tu t’en f… Les enfants ?  Ils sont à la fac, non ? Le midi ?  Ben quoi, salade ou sandwich, c’est tout. Le soir de temps en temps,  ton homme se débrouille, ça n’est pas ce que tu prétends ? Personne n’ira te culpabiliser, te traiter de mère ou d’épouse indigne !

Laisse-toi tenter. D’abord tu fais un bilan de santé. Ben oui, c’est plus prudent, à nos âges…Escorte-moi durant une toute petite semaine. Je parie que d’autres suivront, que tu ne pourras plus t’en passer. Et puis le printemps arrive : super pour commencer! Les jours allongent, l’air est plus doux, les arbres bourgeonnent : c’est idéal !

Quel baratin, je te jure !

 

 

On y va quand ? Tôt le matin, à midi, le soir, c’est toi qui décides ! Il y en a qui courent à jeun, mais je ne te le conseille pas, il vaut mieux te caler l’estomac. Tes vêtements ? Confortable, hein, pas midinette, et de bonnes chaussures surtout ! Le premier jour on ne dépassera pas un quart d’heure, je te promets. On s’arrête dès que tu n’en peux plus. Si tu as mal aux jambes, frictionnes-toi avec une crème chauffante. Chochotte, va !

Allez, pour te motiver, tu n’as qu’à emprunter le MP3 de tes mômes. Ils ont toujours de la musique hyperspeed, pas forcément à ton goût, mais c’est radical pour l’entrain. Trouve ton rythme : j’expire deux fois, j’inspire deux fois par exemple, et je recommence. Arrête de geindre, t’es pas marante. Tiens demain, on se lance un défi, on court cinq minutes de plus qu’aujourd’hui. Chiche !

Bon ça y est, on a établi un parcours agréable qui ne massacre pas trop les chevilles. Tu es d’accord ? C’est pour l’endurance, pas pour battre des records, Ok ! On ne cherche à rattraper personne, ce qui importe c’est d’augmenter la durée du trajet.

Et on a le temps d’admirer le lac et les canards, de regarder verdir les marronniers.

Aujourd’hui tu n’as pas remarqué, tu souffres moins, tu souffles moins, tu te sens légère et le vent fouette agréablement tes joues.

Pour la musique, rends-toi compte ! Avant tu te laissais porter, maintenant tu te permets d’écouter et tu zappes les morceaux qui te déplaisent. Prends le temps de saluer les autres : ce sont toujours les mêmes qui courent à la même heure. Rallonge encore de cinq minutes, tu vois, on en est à trente minutes quotidiennes.

Ca y est, le but est atteint, rythme, endurance, légèreté des muscles ! Quel exploit ma fille !

Tu y prends plaisir, avoue,  ton organisme libère des endorphines : tu as ressenti cette  plénitude, ce calme. Tu n’éprouves rien? Menteuse. Moi, je vois bien que tu n’es plus à cran.

Tu peux porter un panty pour augmenter la perte en eau, je sais c’est pas sexy. Mais c’est intéressant si tu ne veux pas courir plus de trente minutes par jour. Si tu souhaites tenir plus longtemps, il te faudra  du temps et de la motivation. Attention, tu risques de décrocher rapidement. 

Demain pause. Tu as bien entendu: you’ve to make a break. Tu te reposes et là, le manque va s’installer. Oui ma chère, courir t’est devenu indispensable.

Repartir n’est plus une corvée. C’est un besoin. Par ailleurs, tu t’apercevras que monter les escaliers, courir après le bus ou le chien est un simple jeu de guibolles. Le cœur s’est adapté, les bras, les jambes se coordonnent sans effort. Au travail tu t’énerves moins. Pour tes enfants, tu es la crème des mamans et  ton Jules t’adore. La prochaine fois, demande lui  de t’accompagner, à celui-là. Hum…

Tu arrives à la fin de ta première semaine. C’était harassant, je te l’accorde : crachoter comme une phtisique n’avait rien de plaisant. Et tous ces  sexagénaires qui te dépassaient, ça t’humiliait. Entendre ton cœur déchirer ta poitrine était angoissant. Mais sois sincère, retrouver ton souffle, tes jambes de vingt ans, acquérir de la vitesse, de l’endurance, te débarrasser du stress quotidien valait bien quelques sacrifices.

Tu as raison, chouquette, j’ai répondu.  Mais je reviens de chez le phlébologue. Il m’a interdit les sports par à coups, c’est ballot ! Dès demain, je me mets à la natation.

 

 

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19 octobre 2008 7 19 /10 /octobre /2008 18:12

Arsène est chauffeur livreur. Tous les matins, dès l'aube, il traverse Paris
avec son camion. C'est le moment de la journée qu'il préfère quand la ville dort encore un peu, que les rues sont vides et silencieuses. Il pourrait presque conduire les yeux fermés, juste bercé par le ronron du camion. Ses premières livraisons ont lieu dans le calme, les pharmacies sont encore fermées, il possède les clés et le code, il dépose ses caisses et à la suivante !  Il va vite, ne s'attarde pas, à dix heures, son café l'attend au bistrot du coin. Et plus vite il ira, moins d'encombrements il rencontrera l'Arsène. Peu à peu, les pharmacies ouvrent, alors Arsène gonfle le torse, roule un peu des mécaniques, il sait où trouver de jolies filles et leur raconter des blagues. Dessous la mèche brune, l'oeil frise. Arsène pérore, il a de grands gestes avec les mains, fait mine de boxer un adversaire invisible, histoire de détendre l'atmosphère. Il se pavane comme un gros chat avide de câlins et de compliments. Et souvent ça marche. Il y a  quelque chose dans sa démarche, un peu cow boy, un peu dandy, dans son sourire large, franc, facile, dans son phrasé direct et joyeux. Les «Salut les filles, comment tu vas, à tout', ouais ben j'te dis à demain » suffisent à déclencher  les rires, à susciter les poignées de mains des hommes, à taper dans l'oeil des plus récalcitrantes. C'est l'effet Arsène, de petits riens banals, répétés quotidiennement et qui égaient l'instant. Arsène sait faire plaisir, rendre service, que  ce soit dans le cadre de son métier ou non, il se dévoue, il participe, il anticipe parfois. Il est de tous les événements, de tous les pots de l’amitié, dans toutes les officines. Je me demande si ce n’est pas son camion qui le ramène au dépôt certains jours, précis, fidèle, régulier.

 
Arsène fait du zen, il explique que c’est tout un art de se concentrer, de s’appliquer, de ressentir un réel bien être. Il prend un air inspiré, exécute un mouvement, derrière le comptoir afin  que les clients ne voient pas. Mais c’est quand il a le temps, que le camion est presque vide, qu’il est de bonne humeur. Il est souvent de bonne humeur, s’il a un problème, un souci, si quelque chose le tracasse, Arsène ne le montre pas. Je ne sais pas si c’est de la pudeur. Je crois qu’il se dit que ça n’est pas nos oignons, tout simplement. Il préfère parler de ses soirées avec les copains, de ses concerts rock, de ses vacances à Miami, Biarritz ou Sète. Arsène a une sœur et des neveux, il en parle parfois, il évoque ses origines espagnoles. Et il repart, il fanfaronne, il fait semblant de vouloir embarquer  l’une de nous dans son camion. Il a des choses à lui montrer. « Et ya la clim, je t’assure, l’été c’est super, tu ne veux vraiment pas. Ah la, la, c’que t’es sérieuse. Des filles comme toi, on n’en fait plus. Le moule, il est cassé. »

Il s’éloigne, avec son diable, les jambes arquées, le pas moins alerte qu’à son arrivée. Il  est plié sur lui-même, comme si délesté de ses caisses il n’avait plus de tuteur. Comme s’il perdait de la consistance. Dans ses yeux un nuage s’installe, un rêve, une sorte de nostalgie.

 

Arsène a quarante deux ans. Cela fait bien quatorze ans que je le connais. Cela fait bien quatorze ans que je ne sais rien de sa vie. Je parle de l’autre vie, celle des amours. Il n’est pas marié, pas même fiancé ou casé. Il se contente de sourire et de nous envoyer promener sur des paroles énigmatiques, des « j’t’en pose moi des questions, et qui te dis que je pars seul, ah c’qu’elles sont curieuses ! ». Mais pourquoi cet oeil bleu délavé, ce haussement de sourcil, ce tremblement de la lèvre. On imagine une histoire torturée, un drame, de la souffrance. On se raconte n’importe quoi. Il y a  ce mystère, ce phénomène, que peut bien cacher Arsène ?

 

 

 

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5 octobre 2008 7 05 /10 /octobre /2008 17:26

Il avait vingt sept ans quand je l’ai engagé. Il fallait un étudiant pour nous aider à contenir l’afflux de clientèle en soirée et il avait répondu à l’annonce déposée à la fac. Vingt sept ans et toujours en quatrième année de pharmacie, sur le coup je n’avais pas tiqué. Et il savait y faire, jouait les fainéants, les petits gars cool auxquels les parents payent des études ad vitam. Les égoïstes ayant un impérieux besoin d’argent pour leurs sorties mais peu pressés d’entrer dans la vie active. Il évitait les regards francs et directs, avait le visage figé en permanence. Cela atténuait l’éclat  de ses yeux, j’arrivais à me demander quelle en était la couleur. Je l’observais à la dérobée, quelquefois, quand il s’évadait, qu’il s’ennuyait entre deux ordonnances à délivrer. Il avait l’air d’un spectre, il était loin de nous, des clients, n’entendait pas le téléphone sonner. Et, paradoxe, ses yeux prenaient une teinte bleu vif, il fixait un point loin devant lui. Soudainement mû par un signal, il se dirigeait vers le comptoir et se prêtait à la comédie des hommes, souriait, rassurait, saluait.

J’avais remarqué une légère claudication, une raideur dans sa démarche et je lui en fis un jour la réflexion.

-         J’ai eu un accident, il y a quelques années, répondit-il.

 

Je compris qu’il minimisait un événement qui avait bouleversé sa vie. Et lui sut que j’essayais de percer son mystère. Il se détendit peu à peu, raconta l’inquiétude de sa mère, son angoisse de le voir végéter à l’entresol de sa maison, dans un petit studio. Avec une bouche en virgule, il expliqua son indifférence quant à l’avenir, les filles, la famille. Il nous écoutait déverser de la guimauve à longueur de journée : les enfants, les devoirs, la voiture, la déco de la maison, les prochaines vacances. Je crois qu’il entendait surtout, parce qu’on ne l’épargnait guère. Il n’écoutait pas vraiment. Je me demandais s’il n’était pas mort à l’intérieur. Il savait faire semblant, il répondait, trouvait des sujets de conversation, avait des réponses spirituelles, parfois comiques. Mais il gardait un visage sérieux, impassible. C’était un homme de cire.

 Et puis simplement, comme s’il avait annoncé, quelle belle journée, j’ai envie de me balader après le travail, il lança, un soir :

-         J’ai eu la colonne vertébrale amochée, j’ai dû rester allongé sur un lit de sable durant une année entière.

Et il pirouetta, alla renseigner un client ou descendit à la cave pour remonter les stocks, je ne me souviens plus. Il nous planta là avec son mal de vivre et notre compassion dont il ne voulait pas.

Par la suite il nous asticotait, l’air de dire, à présent vous savez. Vous ne m’embêterez plus. Je ne vous laisserai pas me plaindre ou discuter mes choix. J’ai des priorités qui ne sont les vôtres, des projets qui ne sont pas des plans de carrière. Je ne veux pas posséder, conquérir, je veux être.

Il m’avait parlé d’un livre, son préféré : Trois hommes et un bateau, de Jerome K Jerome. Avait ajouté que peu de gens l’avaient lu, que c’était à la fois philosophique et cocasse. J’avais renchéri, je l’avais étudié en terminale, en anglais dans le texte :Three men on a boat. Il m’avait scrutée d’un regard oblique qui voulait dire : chapeau, pas si futile que ça ! C’est pourquoi il m’avoua son amour de la mer, des bateaux, de la solitude au milieu de l’océan. Il évoqua son peu de goût pour ce qui attache, qui retient, qui emprisonne. Bêtement j’avais risqué :

-         J’ai déjà fait du bateau, je sais de quoi vous parlez. Moi justement, je ne me sens pas à l’aise en mer. J’ai besoin de maîtriser, de contrôler.

En me dévisageant, et comme s’il s’adressait à une enfant (j’avais dix ans de plus que lui),  il avait rétorqué goguenard :

-         Mais vous savez bien que dans la vie, on ne maîtrise pas tout. Et puis en mer il faut tracer sa route, maintenir un cap, et tenir compte des éléments bien sûr. Un bateau ça se maîtrise.

Que pouvais-je répondre ?

 

Le temps passa et je ne fis plus appel à ses services. Mais un an plus tard, au cœur de l’hiver et au plus fort d’une épidémie de grippe, je le sollicitai de nouveau. Sa voix claironnait au téléphone :

-         J’ai laissé tombé la pharmacie. Excusez-moi, mais je ne suis plus dans le circuit. En fait, je me prépare pour un tour du monde en bateau. Désolé, madame.

Il ne m’avait jamais paru aussi joyeux, aussi vivant.

-         Ca ne fait rien, avais-je répondu, je me débrouillerai autrement.

Le fantôme, égaré au-delà de l’existence, c’était moi après tout.

 


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13 septembre 2008 6 13 /09 /septembre /2008 16:26

Je n’avais d’elle qu’une photo de classe datant de 1976. Comment les années ont-elles passé sur son visage ? Comment me trouvera-t-elle ? Car je ne me leurre pas, chercher à la revoir c’est vouloir me rencontrer aussi. Je me demande si je saurai trouver les mots qui renferment trente années de vie. Si nous n’allons pas chacune dégoiser à tort et à travers. Nous aborderons bien sûr les thèmes les plus convenus : l’amour, l’art de vivre ou de ne pas vivre en couple, nos erreurs, nos doutes professionnels, la mort de nos proches. Et nos enfants surtout, ces prolongements de nous qui nous rendent folles, deux garçons pour elle, un garçon et une fille pour moi. Je crains le déballage, l’exposition, la vantardise de ma part plus que de la sienne. J’ai peur d’embellir, de m’écouter parler, de ne pas l’entendre.

Si je ne montrais rien, si je ne lisais rien en elle, à quoi servirait ce face à face ?

 

Elle est entrée à la pharmacie, prudente, hésitante. Je l’ai reconnue à ça, ce regard étrange sur les rayons,  sur les comptoirs. Elle n’était pas une cliente. Autant avouer que je ne l’ai pas reconnue, qu’elle ne m’a pas reconnue. J’attendais une chinoise, évidemment. Mais j’attendais la fille de la photo  avec ses longs cheveux noirs,  ses joues rondes d’enfant  et  des lunettes  lui dévorant le visage. Je savais le temps, les épreuves, mais je  l’attendais malgré moi. Alors cette belle jeune femme au visage doux, à l’ovale plus marqué que dans mon souvenir m’a déroutée puis séduite. Elle a balayé les années d’un :

-         Oh, c’est normal, il y a si longtemps !

Qui voulait dire : on est là aujourd’hui pour parler d’aujourd’hui. C’est la personne qui est là, maintenant, qui m’intéresse, pas la gamine du lycée.

Alors nous avons évacué la classe de première, nommé certaines de nos compagnes, rappelé nos virées au café pendant les perms avec Esther et Marie Laure. Dire que j’y retrouvais un étudiant, sosie de Nicolas Peyrac à l’époque, que nous flirtions de loin. Les images affluent, refluent et se perdent.

 

Pour notre véritable rendez-vous, j’avais choisi un restaurant proche des Buttes Chaumont à l’heure du déjeuner. Brouhaha et coups de fourchettes. Qui commence, qui raconte ? Elle s’est lancée rapidement, en toute sincérité. Pas de réserve, pas de non dits. Elle m’a décrit, analysé son parcours.

Elle était concentrée, cherchait les mots exacts, qui sauraient m’atteindre et susciter des réactions de ma part, de la surprise, de la tendresse. Elle était dans la séduction, avec ce visage très fin et lisse de madone asiatique, ses longs cheveux glissant dans le dos, ses mains voletant devant elle. Elle était dans l’enfance, affichait une moue boudeuse parfois, en évoquant ses doutes, en écoutant mes remarques. Dans ces moments je retrouvais l’adolescente de 1976. Et lorsqu’elle riait, de petites rides plissaient le coin de ses yeux. Elle était dans la pose, montrait des photos, ses enfants, ou elle, seule, par ses enfants, beaucoup de photos, j’en avais besoin, disait-elle, que mes enfants fassent des clichés de moi. Besoin de me plaire, de m'aimer. Et puis soudain, elle se dit qu’elle avait assez parlé, que c’était mon tour, qu’à force je ne mangerais rien de ce qu’il y avait dans mon assiette.

Et je me suis racontée, j’ai tombé les barrières, moi aussi. C’était comme si elle se mettait à mon service, comme si elle disparaissait. Elle s’enfonçait dans son siège, se faisait toute petite, relevant la tête vers moi, me fixant de ses yeux noirs perforants.


La salle se vida peu à peu. Il n’y eut bientôt plus que nous et nos confessions intimes. Nous et le fil de nos vies. Son portable se mit à sonner. Elle se redressa, fouilla son sac à sa recherche, prit un carnet, un stylo, nota un mot sur une page. Rangea le tout très vite. Retrouva le ton de la confidence, de l’introspection. Et parce que nous sommes des femmes, après avoir égratigné les hommes et les autres femmes, nous avons rebattu le seul sujet inépuisable : nos enfants. Le temps passait, les serveurs ont porté l’addition, demandé maintes fois si nous désirions autre chose, tourné autour de nous. Puis ils se sont lassés. Ils avaient compris que nous partirions quand nous l’aurions décidé, qu’il ne fallait pas nous chasser, qu’ils débarrasseraient plus tard.

 

Je l’ai accompagnée jusqu’au métro, poursuivant le dialogue. A mes côtés, serrant son manteau contre sa poitrine, elle me parut fragile, légère. Son pas décidé, son air déterminé démentaient cela, elle semblait dire : soldat, en avant ! Après une bise et la promesse de se revoir si nos vies s’y prêtent, je suis rentrée à pied. Je crois avoir compris le sens de tout ça, de ce  tête à tête, souhaité par elle, par moi. Il s’agissait d’un pari, comme en font les enfants. De dire : « t’es cap ou t’es pas cap ? ». Se dévoiler sans retenue, sans trémolos. Dérouler l’écharpe, mettre son cou à nu. Et que ça fasse du bien. Quelle que soit l’opinion de l’autre, que son attitude permette qu’on livre un peu de soi, que ce soit réciproque. C’était réussi, il me semble, cette fois-là.

 

 

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