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24 avril 2012 2 24 /04 /avril /2012 10:00

Métro Odéon, rue de l’école de médecine. Juste derrière le métro, trois pas à parcourir et j’y étais. Je ne sais pourquoi, j’avais en tête les librairies Nathan et Hachette Rue Du Faubourg St Germain. J’ai longé le faubourg sous la pluie, suant dans ma doudoune, de l’eau dégoulinant dans le cou et flicflocant sur mon visage. Il était dix heures, les magasins ouvraient, des librairies, des boutiques de vêtements chics et chers, des cafés. J’avais résolu de m’installer dans l’un deux pour consulter mon plan. Comme l’heure tournait,  j’ai consulté mon plan dans la rue, sac ouvert, parapluie coincé à l’oreille,  bousculée, essoufflée, hypoglycémique. J’ai marché, trotté puis renoncé. Des immeubles haussmaniens  lavés par la pluie, une chaussée glissante, des barrières annonçant des travaux dans la rue, mes bottes prises dans des ornières. C’était le bon jour pour acheter les livres de ma fille ! Puis ce fut l’instant de grâce, une petite étoile de soleil dans l’opacité d’un ciel peint à chaux.

 J’ai soufflé fort, pour me donner du courage.

 

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Alors retour vers St Michel et Cluny, chercher la rue de l’école de médecine, attendre que le vendeur soit libre, appeler Choupette et me faire confirmer les titres des livres de sa liste, régler une bonne note salée, ressortir toujours sous la pluie avec un gros sac lourd. Retour métro, hypoglycémie donc fatigue, vertige, faim, faim, faim … A la sortie du métro, je me rue sur une boulangerie, demande une baguette et une lunette à la confiture. Me voilà dans la rue pliant ma baguette afin de la glisser dans le sac avec les livres. Me barbouillant de confiture et de sucre glace, le tout s’infiltrant jusque dans les livres. Choupette me demandera pourquoi ya du gâteau sur ses bouquins. Mon parapluie est de nouveau coincé entre mon oreille et mon épaule. Je sème de petits morceaux de gâteau tout le long du chemin. Tout ça pour éviter à Choupette d'interrompre ses révisions et de faire ses courses elle-même.

J’ai à peine le temps de rentrer et de me préparer pour aller à la piscine. Il faut les perdre maintenant tous ces kilos d’hypoglycémie !

 

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22 avril 2012 7 22 /04 /avril /2012 18:12

 

Nous n’étions pas prévenus et nous y sommes allés bravement, comme avant. Comme pour les élections précédentes. D’humeur joyeuse, amusés, conscients d’accomplir le devoir qui nous permettrait de râler après, si jamais... Un ciel gris, bas, un vent frais, la pluie. Qu’importe, aujourd’hui il faut voter. Juste en bas de chez nous, dans la nouvelle école avec ses grandes baies vitrées.

Une certaine fierté, il faut le dire, on se sent citoyen, on compte pour  la France, on compte sur la France.

 

Mais voilà pour nous c’est vote électronique : un bouton noir, un bouton vert : a voté. Une machine unique  pour le bureau de vote. Une seule queue, une boucle qui s’étire jusque dans la rue. Des jeunes hilares, des personnes âgées fatiguées, un peu déboussolées : il va falloir appuyer sur un bouton. Des pitchouns aux pas hésitants donnant la main à des adultes résignés, chacun  attend, patiente, s’assied, soupire, piétine, observe… chacun. Quarante-cinq minutes sur le grill, un silence de circonstance, une sorte de recueillement national. Certains, pas mêmes âgés, pas même handicapés, présentent des laissez-passer un peu douteux. Personne ne tique, voter ça rend drôlement civique.

 

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Le vote électronique, c’est une révolution, pas de dépouillement après vingt heures. Quoique  j’apprécie l’ambiance  des dépouillements, cette fièvre : se dépêcher afin de savoir. Je peux affirmer que nombreux sont ceux qui n’ont pas supporté la chaleur du préau, la lenteur des vérifications d’identité,  du passage devant la "machine à boutons" et le registre des signatures. Nombreux sont ceux qui sont repartis au bout de dix minutes, ou ont fait demi-tour en apercevant la file d’attente. Dans mon bureau de vote, il y a aura un taux d’abstention certain.  Pour une fois, le prix de la modernité ne se mesure pas en gain de temps. Pour le votant tout au moins.

 

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22 avril 2012 7 22 /04 /avril /2012 10:00

 

Elle est dans la cabine téléphonique au bas de l’immeuble, sur la place. Ce lundi de Pâques est un jour particulier. Finis la fête,  la chasse aux œufs, les réunions de famille, les repas trop arrosés, les promenades en forêt. La ville est assoupie, elle fait la grasse matinée comme un poupon repu. Au dehors chacun marche dans de petits  chaussons. Les gestes sont lents,  malhabiles, hésitants.

Mais cette femme dans la cabine, qui se penche à droite, à gauche,  et dont la queue de cheval balaie la nuque comme un pinceau, me dérange. Qui téléphone encore d’une cabine aujourd’hui ? C’est la première question qui me vient à l’esprit, basique, primaire. A l’heure du smartphone je ne comprends pas ce recours à la cabine.  C'est idiot car à bien réfléchir, cela peut arriver. Oubli ou vol du portable, perte,  panne de batterie, refus de l’engin, difficultés financières concernant l'abonnement, des raisons il y en a. 

 

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C’est la jeune femme elle-même qui m’intrigue. Elle ne téléphone pas encore. Elle porte son sac à l’épaule, se tient bien au milieu comme si elle ne voulait pas frôler les vitres. Toute raide et les yeux fixes elle entrouvre  le sac, en retire une paire de gants et des lingettes antiseptiques, soulève et essuie le combiné. Se courbe vers le cadran qu’elle frotte énergiquement, puis le boitier lui-même, dessus, dessous, de chaque côté. La tablette enfin, à l’horizontale, à la verticale. Elle se rend compte que je l’observe et me tourne le dos. Fourre ses lingettes dans un sac Monoprix. Compose son numéro ; d’où je suis je remarque que sa main volète sur le cadran. Approche le combiné de sa bouche mais pas trop, susurre un allo peu sûr de soi. Je le devine ; ses lèvres tremblent, cela me paraît évident. Elle se recroqueville en elle-même, enfouit son visage dans ses mains. Puis se tourne vers moi contre toute attente, agacée par mon regard fusillant ses épaules.  Enhardie, elle ouvre grand la porte de la cabine. Ce faisant elle s’étrangle avec son écharpe coincée dans la poignée. Elle la tire avec hargne. Et me lance : vous n’avez pas d'autre occupation ?

Eh bien autant l’avouer, je n’avais rien d’autre à faire ce jour-là que d’observer mon prochain, et de lui trouver un petit air curieux. Mais j’ai tout de même   détalé comme un chat pris le nez dans le jambon posé sur la table. 

 

 

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20 avril 2012 5 20 /04 /avril /2012 10:00

 

 

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Aujourd’hui vous  connaissez  celui de Yann Barthès qui « porte un regard décalé sur l’actualité ».  L’homme tronc de Canal plus se délecte des petits travers de nos politiques, ce qui est normal en cette période. Il en a les moyens, ses mimiques d’abord,  sa bouille ronde et ses yeux pétillants sont des passeurs de fantaisie et de drôlerie. Les techniques télévisuelles, arrêt, stop, brouillard, retour, avance sur image sont des supports. Les applaudissements du public, de la vie sur le plateau, de la gaité, des encouragements. Les artistes, politiques, écrivains ou autres VIP, du grain à moudre. Et nous devant la télé, sommes ceux pourquoi, ou   pour qui Barthès existe, dérange, perturbe, affole, offense. Il met le doigt en plein milieu du pot de confiture et badigeonne l’écran. A nous de décider si nous souhaitons avaler la tartine. Le succès est là car nous sommes gourmands pour la plupart.

En 1863, « Le petit journal » est un journal à un sou tiré à cent mille exemplaires à ses débuts, et créé par Moïse Millaud. Sa devise est : tout  ce qui se dit, tout ce qui se fait, tout ce qui se passe sera dans le petit journal. Pour la diffusion en province, l’organisation du journal est confiée à Alphonse Millaud, cousin du premier et orateur-né. Ainsi chaque ville de France, chaque bourgade  a un correspondant qui dirige une bande de vendeurs.

A la télévision, l’animateur est,  lui aussi, aidé de correspondants, dont le nom nous échappe sitôt prononcé. Dans le petit journal de 1863, il y a une chronique judiciaire tenue par Victor Cochinat, déjà évoqué dans l’un de mes articles, Charles Monselet et Henri Nouguier. On y trouve un roman sous forme de feuilleton, comme le fameux Rocambole de Ponson du Terrail. Un scientifique : Herald, un politique : Escoffier, un correspondant avec l’étranger : Georges Stenne. Et un chroniqueur populaire, celui-là est un peu l’ancêtre de Yann Barthès. Il s’appelle Léo Lespès et a pour nom de plume  Timothée Trimm. Il doit chaque jour « prendre le fait le plus saillant, en tirer des enseignements, causer avec bonhommie à l’occasion, saupoudrer d’esprit gaulois cette causerie écrite forcément avec rapidité et composée également de faits et d’impressions ». Mais il ne doit égratigner personne, plaire à tout le monde, amuser, moraliser, instruire…Car les gouvernements de l’époque ne souffrent aucune critique et la presse est souvent censurée.

 

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Timothée Trimm.

 

On ne peut pas comparer les modes de diffusion de la pensée au XIXème siècle et aujourd’hui, de même, l’information télévisée et l’information écrite ne se valent pas entièrement. Pourtant,  informer et amuser, instruire, inciter à réfléchir, amener le lecteur ou le téléspectateur à formuler des questions, demeurent une ligne directive. Cet objectif commun est atteint de manière totalement distincte. Le succès du petit journal de Millaud était dû à son conformisme qui permit sa large diffusion. Celui de Yann Barthès provient de son impertinence à la télévision. Privilège que  notre époque, nos mentalités, notre droit à la liberté d’expression autorisent.

 

Sources: LA CHRONIQUE ILLUSTREE du dimanche 6 septembre 1868, Wikipédia.

 

 

 

 

 

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18 avril 2012 3 18 /04 /avril /2012 10:00

J'ai repris un texte paru il y a quelques années dans la communauté "écriture ludique" avec des consignes d'écriture précises. Je trouvais qu'il se prêtait bien au casse-tête cette semaine chez Sherry: Portes et accessoires.

 

Il s'agit d'écrire à partir de l'image suivante avec la condition supplémentaire d'utiliser les 10 titres suivants, qui correspondent à des chansons de Michel Jonasz :

  1.                                                          
    Que feriez-vous devant ces deux portes ?
    Quelle histoire se trame derrière peut-être ?...
    A vous de le narrer...comme bon vous semble !
    A chaque saison qui passe                                                               
  2. C'est ça le blues
  3. Changez tout
  4. De l'amour qui s'évapore
  5. En v'la du slow en v'la
  6. J'veux pas qu'tu t'en ailles
  7. 25 piges dont 5 au cachot
  8. La vie sans mort
  9. Le cabaret tzigane
  10. Y a rien qui dure toujours

 

Ils sont entrés et se sont assis l’un en face de l’autre tout contre la vitre. Ainsi ils peuvent faire semblant. Etre ensemble et s’échapper. Affronter ce tourbillon dans leur tête. Le rendez-vous de la dernière chance. Ils entendent toutes les conversations, les sonneries de portable, les exclamations des voisins. On parle de détresse, de coup de poing, de dépression. Tout pour parfaire l’ambiance. Il a envie de bâcler, se débarrasser, partir. Elle souhaiterait comprendre, recommencer, bâtir. Supplier : j’veux pas qu’tu t’en ailles ! Il y a  des mots qui pourraient jaillir et qu’on ne veut pas prononcer. Des mots blessants de désamour, des mots criants, à toi pour toujours. Un rayon de soleil cogne au carreau et se blottit entre eux, ose une caresse sur leurs doigts gelés. Un pauvre signe de tendresse. Lui écarte la main, agacé. Elle retourne la sienne, paume ouverte et s’offre à la chaleur. Le garçon aimerait bien prendre la commande mais un mur impalpable le tient en respect. Un mur de rancoeurs, de mensonges, de trahisons. C’est de l’amour qui s’évapore, et paradoxalement peut-être, le seul moment où ils se sentent complices, elle et lui. C’est ça le blues. Ils ébauchent un sourire, un peu de l’un vers l’autre, un peu dans le vide. Ils s’amusent de l’embarras du serveur. Il est si jeune, que sait-il de l’amour ?

 

Une fille s’arrête devant eux, regarde le menu sur l’ardoise. Elle est belle, elle est rousse, elle est jeune. Est-ce qu’elle lui ressemble, la remplaçante. C’est quoi se faire plaquer pour une plus jeune quand on a trente ans. Et qu’il a trente ans. Il aime les gamines, celles de dix huit ans ? Ou alors il en veut une comme celle-là, vingt deux, vingt cinq piges dont cinq au cachot. Au cachot d’une vie sans lui, bien sûr, il est tellement merveilleux ! Dire qu’il y a tant de souvenirs à entasser dans un carton. Cold case, affaire classée.

La fille porte un blouson imitation peau de mouton, un jean trois quarts, qui s’arrête juste au-dessous du genou, et des chaussettes en dentelle, des petites ballerines de danseuse, style Repetto. Une femelette, un bout de femme, pour un homme pas tout à fait accompli, pour un fuyard. Elle n’arrive pas à se dire que c’est un connard.

Ils s’étaient connus au lycée, en face. Ces deux portes massives séparées par une colonne mais ouvrant sur une seule cour, bruyante. Deux sésames libérant leur flot d’élèves tapageurs et insouciants. Eux avaient appris à s’aimer quand l’amour se vivait sans projet, et qu’à chaque saison qui passe, ils s’étonnaient de durer. Aujourd’hui, lui vogue déjà vers d’autres horizons. Son portable sonne, il ne veut pas répondre devant elle. Il regarde la salle et les femmes aux autres tables. Elle ne  veut pas tourner la tête, elle sait. Il y a de l’électricité dans son regard d’homme, de l’insistance, du feu.  Elle a une boule au ventre, des mâchoires lui dévorent les intestins.

Il va hurler : changez tout, je veux la vie sans mort ! Sans toi. Elle n’aura pas la force d’entendre ça. Elle devine qu’il reviendra car il tente, c’est involontaire de l’apaiser. Une caresse sur sa joue, un geste en direction de sa cuisse.  Cet effleurement lui donne la nausée. C’est comme si elle avait avalé un poisson entier, gluant, gigotant. Elle esquive. Elle va se lever et le laisser là avec sa mauvaise foi et son égoïsme. Quand le temps des regrets viendra, il tentera de l’inviter dans le cabaret tzigane  où ils célébraient tous leurs anniversaires. Il sera trop tard.

Le serveur arrive, tout de noir vêtu, il est jeune, il sourit, il blague. Assurément, avec son cœur en clafoutis et ses yeux en marmelade elle lui plaît quand même. Alors elle se dit que tout n’est pas foutu, en v’la du slow en v’la. Si elle s’interdit de penser qu’y a rien qui dure toujours, peut-être qu’un autre saura.

 

 

 





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16 avril 2012 1 16 /04 /avril /2012 08:00

 

Tricôtine nous invite, dans ce nouveau défi, à parler d’une ou des couleurs, à notre guise.

 

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Arlequin et Colombine par Degas.

 

 

COULEURS

 

J’ai pris la décision de n’en citer aucune

Et de laisser le ton, la mesure et la rime

Apporter des nuances, restituer chacune

A nos âmes éblouies; et que la magie prime.

 

Un peintre les étale à la gouache, au pinceau

Un musicien les note sur une partition

Les décliner, les fondre, les noyer en un mot

Révèle les facettes de l’imagination.

 

Alors quand Arlequin, de mille feux scintille

Auprès de Colombine, en habit de lumière

Comme un toréador, armé de banderilles

C’est un feu d’artifices qui, sous nos yeux, opère.

 

Peintures et dessins, photos ou aquarelles

Emprisonnent nos sens en une ronde charnelle

Séduisent en peu de temps; un bonheur rond et lisse

Se lit dans nos regards posés là, sur l’esquisse.

 

Dans nos rues, sur nos murs, s’expriment des artistes

Dont l’art et le talent marquent le goût de vivre

Et de rêver debout, au milieu de la piste,

A ce monde en technicolor qui les enivre.

 

 

 

Ce ne sont pas vraiment des tags mais des déclarations d'amour sur le mur des amants dans la maison de Juliette à Vérone. (Pour le côté romantique!) 

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14 avril 2012 6 14 /04 /avril /2012 10:00

 

Nous avons prévu une soirée dégustation dans ce petit bar, arrosée au Crozes Hermitage accompagné de toastinettes au jambon, chèvre et tomates séchées. Un cadre cosy pour un tête- à-tête romantique. Au fond de la salle, seule à la grande table, une trentenaire commande un verre de Sancerre, déplie ses grandes jambes bottées et son ordinateur. Elle mâchouille une branche de lunettes, enroule une mèche de cheveux à son doigt et pianote de l’autre main. Peu à peu les filles arrivent, les autres, les copines. On s’embrasse, se détaille, tu as maigri toi, et tu reviens du ski ma parole, oh la la si tu savais, on n’a le temps de rien. Eclats de voix, exclamations, fous rires. Les vacances au Maroc, c’était génial ! Une grande maison sur la falaise à Agadir, les enfants ont adoré !

 

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Image prise sur le net.

 

Tu as commandé ? Je redescends consulter la carte. Un verre de vin pour commencer, comme toi ! Je reviens de la réunion de classe de neige de Théo, je me suis trompée figures-toi, j’ai assisté à une autre réunion pendant une demi-heure avant de m’en apercevoir. La galère ! Alors excuse mon retard.

C’est ma belle-mère qui garde les enfants, je ne vais pas rester longtemps, tu sais ce que c’est… Et Mathieu qui a dû rester au bureau…

Les voix se mélangent comme des fils de pelotes déroulées en tous sens. Les esprits sont en surchauffe. C’est un brouhaha, la salle se remplit mais nous le remarquons à peine. Tout le monde a trente ans, les discours à cette table ont submergé les nôtres. Car nous nous taisons, absents à nous-mêmes, vaincus, assommés doublement. Par le vin un peu et par ces dames, c’est une certitude.

 

 

 

 

 

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12 avril 2012 4 12 /04 /avril /2012 10:00

 

J’ai su de suite que les chaussons rouge et or de Mlle Rachel me feraient voyager.  Quant au long  bijoux-serpent, aperçu lui aussi  dans une vitrine de l’exposition « Théâtres romantiques » au Musée de la vie romantique à Paris, il m’a hypnotisée.link

De minuscules  chaussons de théâtre aux galons  brodés de frises grecques, il suffit de peu pour se représenter Rachel Félix, pour imaginer ses chevilles graciles. Son premier rôle fut celui de Camille, dans Horace de Corneille. Et même si  elle ne portait pas encore ces petits souliers, je la vois. Comme surgie d’une lampe, tragédienne de génie, sublime. Sa  démarche et ses pas  sont vifs   spontanés. Son allant, son charme, instinctifs. Maigre, et comme envoûtée par son personnage, elle subjugue les rangs de l’orchestre. Ils ne comportent que cinq spectateurs, ce 12 juin 1838, au Théâtre-Français. Plus tard le public se bousculera dans la salle. Rachel a dix-sept ans et la gloire fond sur elle.  Le succès sur scène, les honneurs à la ville.

Je découvre son portrait  dans le rôle de Phèdre par Frédéric O’Connell, je sais qu’elle vient à moi et qu’elle m’observe. Elle m’écoute, intercepte mes gestes, son froncement de sourcils répond au mien. Elle construit son jeu en me détaillant. Je lui parle, elle  se retranche derrière les plis de son voile, sonde mon âme. Sa main pâle se porte à son cou. Bien que le serpent n’y soit pas, je l’y place parce que je l’ai sous les yeux, lui, et qu’ainsi Rachel est vivante, pour moi. Je perçois la lueur, la flamme, le génie. Les yeux scintillent, les cheveux sombres encadrent un front blême. Elle me sait réceptive, attentive.

 

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Alors elle m’oublie, comme elle oublie les spectateurs venus l’entendre au théâtre. Elle déclame du Racine pour elle-même, elle n’a pas à impressionner mais à exprimer son art. Ses soliloques, sa diction, sont justes, nets. La voix est  naturelle. Elle peut se rendre acerbe, incisive. Cette fois elle a la douceur du velours.

« Je ne l’ai point embrassé d’aujourd’hui ».                                                   

 Elle murmure cela pour moi seule. Je l’entends, je le jure.  Tout comme  Isabelle Adjani dit « Le petit chat est mort », citant Molière. Mais Adjani, c’est en 1973. C’est actuel, c’est maintenant. Sa petite phrase est quelque part sur Youtube ou dans les documents de l’INA. link  Elle n'incite pas au voyage de l'esprit. Elle n'a pas cette magie.

 

Sources : La vie Elégante, Anne Martin Fugier, Ed. Fayard ; Remarques générales sur le jeu de Mlle Rachel, S de Grabber, 1847.

 

 

 

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10 avril 2012 2 10 /04 /avril /2012 10:00

 

Le casse-tête cette semaine chez Sherry est : Poule ou œuf.

 

J’ai tout de suite pensé à l’anecdote racontée par Françoise Dolto, la célèbre pédo-psychiatre. Celle d’une petite fille qui refuse d’aller à l’école. Au moment du départ, chaque matin, elle hurle, crie, pleure, il est impossible de lui faire quitter sa chambre. Les jours passent, la psychologue contactée par les parents ne sait que faire. Alors elle contacte Françoise Dolto.

Celle-ci réclame les cahiers, les livres, les dessins de l’enfant avant de la voir. Ce sont les dessins qui l’intriguent le plus. De drôles d'oiseaux sur toutes les pages du cahier, des grands, des gros, des petits. Un par page ou plusieurs, coloriés ou non. Alors elle demande à rencontrer l’enfant.

-         Pourquoi tu dessines des canards, dit-elle, ça veut dire quoi pour toi ?

La petite répond :

-         C’est pas des canards,  c'est des poules. C'est la poule à papa !

 

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Image prise sur le net et sans rapport avec l'anecdote.

 

Françoise Dolto fait tout de suite le rapprochement avec une mésentente familiale. Mais ce n’est pas une explication suffisante. Elle interroge la mère qui comprend enfin et raconte. Chaque matin, à l’heure du départ pour l’école, elle se penche au balcon et clame, tiens, voilà la poule à papa ! L’enfant se penche à son tour et ne voit aucune poule. Elle ne réclame pas d’explication. Elle s’obstine à chercher cette fichue poule et s’énerve, elle ne veut pas aller à l’école. Pour compenser, pour évacuer la souffrance, elle dessine des poules. L’explication sera délicate, la poule c’est la maîtresse. Et la maîtresse pour un enfant c’est  l’institutrice. Alors, il faudra prendre le temps de donner un sens à chaque mot, et de rassurer. Mais en quelques mois tout rentre dans l’ordre, aller à l’école  redevient un plaisir pour cette fillette.

 

 

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6 avril 2012 5 06 /04 /avril /2012 10:00

Arrivés tous deux à la cinquantaine, bien calés au creux du lit froid, ils écoutent les années. Elles murmurent, c’est un chuintement au creux de l’estomac. C’est la respiration de l’un calquée sur le ronflement  de l’autre. Le bras passé le long du flanc, les corps imbriqués. Le sommeil tranquille, les sursauts rares, les rêves insouciants comme l’enfance. Dehors la pluie chantonne et forme un rideau de fils protecteurs, préserve un écrin, entretient la chaleur d’un foyer vibrant, vivant.

 

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Les bras s’écartent, on ne peut conserver une même posture toute la nuit. Chacun repousse l’autre un peu, se tourne, s’étire ou roule sur  soi, recroquevillé. Les rêves s’évadent, vagabondage, libertinage. En songe tout est permis. C’est une liberté qu’on prend, à peine une trahison. Tout juste une récréation, pour se retrouver seul, à la merci de ses fantasmes. De ces chimères qui soufflent les cœurs comme des ballons que l’aube ramènera à une taille confortable. On recommence sa jeunesse, on  réinvente l’ardeur  et l’ivresse des passions, comme si tout était encore possible.

 Un frisson, un tremblement. L’autre se rapproche, remonte la couverture, recherche la chaleur, a besoin de l’odeur. Au mitan de la vie, les habitudes soudent,  les certitudes gainent, l’autre est  un édredon. Plus d’aspérités, peu de conflits. Et si le temps n’a pas trop décalcifié les os, enveloppé les muscles, enflammé les hormones,  raidi les sentiments, qu’il est bon d’aborder cet âge à deux.

 

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