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28 juillet 2013 7 28 /07 /juillet /2013 11:25

 

Pour Michel sur le site de E-criture selon le thème : Chaleur

 

 

moiteur


C’est le soir, entre les murs étouffants de la chambre que je la ressens le plus. Comme si des vagues de canicule s’étaient accumulées toute la journée, constituant ce lourd édredon de plumes dans lequel on s’emmitoufle l’hiver,  et qu’on rejette sans état d’âme dès les premiers beaux jours.

Au sortir de la douche, la moiteur est déjà sur moi. Je me sens fraîche et propre, détendue, lavée d’une journée harassante, et déjà collante. Ma lampe de chevet fonctionne comme un radiateur, alors plongeant la pièce dans l’obscurité, j’attends que le sommeil vienne. J’ouvre un volet car  j'ai le sentiment d’expirer de l’oxygène comme les plantes. Mais cette trouée noire dont les yeux lumineux  scintillent au loin n’est même pas vivante. Pas un souffle, pas une brise. J’entends le miaulement long et insistant des chats de la rue, j’écoute gémir les heures. Un piano hulule dans la nuit, tantôt plaintif et pleurnichard, tantôt  enjoué, comme dans les romans de Carson Mac Cullers. Mais nous ne sommes pas en Géorgie, aucune voix grave, rayée et chaude ne  l’accompagne en célébrant le Sud. Je me poste à la fenêtre et tends les bras vers le gouffre humide qui me happe. Les arbres sont des paravents immobiles et font obstacle à la pluie qui se risque à trouer les nuages. Une odeur enivrante de braise  me monte aux narines, c’est la saison des barbecues et j’ai faim soudain. Les fortes chaleurs me coupent l’appétit, habituellement. Cette fois la nuit a un parfum de terre, de poussière et d’herbe mouillée et je salive. Mais je suis bien trop lasse et molle pour retourner dans la cuisine. Je m’allonge sur le lit et écarte le drap dont le contact sur ma peau est une torture. Je soupire, accablée par cette nuit qui ne se décide pas à fraîchir. Je sursaute et rallume la lampe précipitamment. Une coccinelle se promène sur ma main, confiante, puis  s’envole un peu plus loin sur le drap. De mon lit j’aperçois un réverbère dans la rue et la nuée d’insectes tournoyant autour. Un éclair zèbre le ciel, l’orage ne va pas tarder. En attendant je suffoque, et branche le ventilateur qui vrombit comme un petit avion. Je ne réussirai pas à dormir, au moins son haleine tiède  entretiendra-t-elle  ma torpeur.

 

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24 juillet 2013 3 24 /07 /juillet /2013 20:35

poker.jpg

 

Pour Michel sur le site de E-criture, un texte avec pour incipit, l'interrogation suivante:

Se peut-il que ce soit mon rêve qui continue ?

Je ne m’attendais pas à le revoir et le temps avait glissé sur mes projets. J’avais enterré mon rêve d’avenir à ses côtés,  et découvert la vie. Mon parcours avait été lisse, de ceux qu’on bâtit sans se poser de questions, avec le sentiment d’accomplir ce qui tient à cœur, et donne à l’existence sa saveur. Mais je savais au fond, qu’il ne se passait rien. Rien ne vibrait, ne résonnait, ne me comblait réellement.

Ce fut un déclic, comme le pops d’un bouchon de champagne. Assister au remariage de ma meilleure amie semblait une promesse, quelque chose de nouveau était en marche. Comme si le passé allait soulever les barrières de l’ennui. Je déteste les mariages, trop de préparation, d’organisation, de monde à saluer. Trop de rêves à matérialiser. Mon amie rayonnait, elle virevoltait, consciente de son charme et de sa sensualité. Elle était heureuse, inutile d’afficher jeunesse, romantisme ou ingénuité. Elle aimait la fête et les invités  étaient venus pour s’amuser, avant tout. Son bonheur me faisait plaisir mais ne réussissait pas à me contaminer. Je n’étais pas vraiment avec elle. De légers frissons, agaçants comme les pattes d’une mouche me parcouraient  la peau. Car assis à trois rangs de moi, à la mairie, il y avait cet homme, fixant ma nuque. Je savais que c’était lui, surgi du passé comme si  cela faisait partie du protocole,  du déroulement implacable de la cérémonie. Pourtant, sa  présence avait quelque chose d’incongru ce jour, précisément. Je n’osais pas prononcer son prénom, même tout bas. Je m’étais retournée furtivement, avais  retrouvé cet air buté, ce regard clair, tour à tour fuyant et lancé dans ma direction, tel un glaive. Il avait souri, pas à moi, mais au vide. Puis il était sorti, alors que les flashes crépitaient sur les signatures des époux.

Il attendait dehors, sous la pluie, que déboulent chapeaux et costumes. Il avait tombé la cravate, comme on tombe un masque. Le vent soulevait ses cheveux qui commençaient à grisonner. Les traits de son visage étaient apaisés. Comme au poker  quand la partie touche à sa fin, il s’était découvert. Je réalisais que nous jouions un jeu tous les trois, lui, mon amie et moi. Il restait à abattre quelques cartes, à désigner un vainqueur. Tandis que je l’observais, interdite et perdue, la mariée s’avança vers moi, délaissant son époux un instant. De petites lucioles allumaient son regard, ses joues  étaient transparentes, finement rosies. Elle plaqua sa voix chaude et mouillée sur nous, comme un baiser :

-          Je savais que je ne m’étais pas trompée. Quand j’ai compris Olivier, j’ai préféré que nous divorcions et tu n’as pas vraiment discuté. Aujourd’hui je vous ai invités sans vous prévenir, l’un comme l’autre.  Sally et toi, ensemble, c’est ce qui peut arriver de mieux, non ?

Je ne pense pas que mon rêve continue, cela semble trop simple. Il a reparu furtivement puis il s’est arrêté. Je ne suis plus dans le rêve, mon existence a retrouvé de l’arôme et du goût. Ce n’est pas parfait, c’est beaucoup mieux que ça.

 

 

 

 

 

 

 

 

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20 juillet 2013 6 20 /07 /juillet /2013 18:06

 

Selon la consigne de Miletune d’insérer une ou plusieurs locutions (en majuscules chez moi), dans un  texte.

 

cesar.jpg

 

Je viens de revoir « César et Rosalie » à la télé, lors de sa énième rediffusion. L’univers de Sautet est UN COUP DE POING chaque fois. Le quotidien,  des petits riens, pas grand-chose et pourtant, la vie se déroule comme un SERPENT DE MER. La mer  tient une grande place dans ce film, le vent, les GOUTTES d’eau salée et DE PLUIE, s’infiltrent et façonnent les paysages comme les personnages. C’est un peu observer le pare-brise d’une voiture, prise dans la tempête, aux essuie-glace malmenés comme ces sentiments qu’on affiche et qu’on balance tout au long du film.  Montand  au CARACTERE DE COCHON, magnifique, colossal, en fait des tonnes. Capable de confesser un CRIME DE SANG ou de passer la BROSSE A RELUIRE pour se faire aimer coûte que coûte d’une Romy-Rosalie pétillante, ensorcelante. Samy Frey, calme doux, amoureux, fuyant, mérite une paire de claques. Personnellement j’aurais bien versé du COULIS DE FRAMBOISE sur sa mèche impeccable de beau gosse, histoire de constater qu’il peut se départir de son flegme pour de bon.

Tous ces tronçons de vie apposés, profonds, ces réparties cinglantes formulées l’air de rien, échafaudent des existences en relief, comme UN BATON DE PELERIN trace la route de Saint Jacques, à chacun des pas du marcheur.

 

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13 juillet 2013 6 13 /07 /juillet /2013 10:00

Consigne de Michel, sur le site de E-criture

Le principe de cet exercice, connu aussi sous le nom de logorallye, est plutôt simple : utiliser dans un texte que vous écrirez pour l'occasion (quel qu'en soit le genre littéraire) l'ensemble (ou une partie, comme dans le cas présent) des mots de la liste qui vous est proposée.

Les verbes peuvent être conjugués, vous pouvez jouer avec singulier / pluriel, masculin / féminin, et si possible les mots doivent être bien mis en évidence dans votre texte quand vous le publierez (en gras idéalement, ou soulignés)

La liste qui vous est proposée est la suivante :

 

Décence, grille-pain, chuchoter, doigts, ombres,
léthargie, miser, jaune, diantre, scission,

chapeau, boulanger, amers, décor, solution.

Parmi ces 15 mots, il vous est demandé d'en utiliser au moins 10 (mais vous pouvez en utiliser plus, même tous pourquoi pas ^^) pour nous amener là où vous aurez choisi d'aller. Car le vrai but de cet exercice est bien de réussir à dompter les mots, de rester maître de l'histoire qu'ils vous racontent.

 

 

 Incendie1.jpg

 

Ils n’ont pas eu la DECENCE d’attendre que juillet soit à la fête. Ils souhaitaient que ça pétille bien plus tôt,  que ça pétarade. Cela avait commencé dès mai, comme si leur objectif avait été de  réveiller  le mois de la LETHARGIE dans laquelle ce long hiver l’avait plongé. Comme pour planter par avance le DECOR d’une saison chaude,  aux nuits de fournaise,  aussi embrasées et parfumées que le four d’un BOULANGER. Tels  des magiciens ôtant leur CHAPEAU pour un effet de surprise, hier soir, ils ont mis le feu à la rue. L'acharnement a payé.

Se déplaçant en bandes joyeuses, arpentant les trottoirs, ils ont jeté quelques pétards ça et là, comme des OMBRES  rôdant au bas des immeubles. DIANTRE me direz-vous, il faut bien que jeunesse se passe ! En cette période estivale, tout le monde ne se dore pas au soleil, au bord de la mer, en caressant le sable chaud du bout des DOIGTS. Certains ont trouvé la SOLUTION, de quoi faire brûler des feux de joie et oublier d’AMERS destins, les yeux captivés par la danse lascive des flammes CHUCHOTANT sur le bitume, par cet or JAUNE jaillissant du claquement sou.rd de la poudre consumée.  Ils regardaient flamber les voitures comme on observe les tranches roussies oubliées dans le GRILLE-PAIN, d’un air bovin, impuissant.  Et subjugué.

Je ne MISERAI  pas sur le bonheur des pompiers appelés à étouffer l’embrasement de cités, si promptes à faire part de leurs SCISSIONS et de leurs frustrations aux yeux du pays.

 

Incendie2

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8 juillet 2013 1 08 /07 /juillet /2013 10:00

 

Selon les consignes de Michel sur le site de E-criture: d'après photo.

 

 

t02.jpg

 

On dit que c’est regarder dans la même direction. Se tenir par la main, avancer d’un pas léger, dynamisme, insouciance ou naïveté, enthousiasme, beaucoup d’optimisme. On dit que c’est élaborer des projets, planifier l’avenir, décider de fonder une famille, trouver sa place au sein de la société, s’épanouir. On dit que c’est indispensable et qu’on avance beaucoup plus vite, beaucoup plus loin à deux. On dit  que mes doigts à tes doigts mêlés sont une force, une protection, une cuirasse inattaquable.

Je dis que ça perturbe et bouleverse, et renverse. Je dis que ça propulse et que ça entrave. Ca élève et ratatine aussi. Ca étire la silhouette et brouille le profil. Irrésistible désir : sortir de la foule,  hurler de bonheur,  se perdre au milieu des ombres. Danser sur la pointe des pieds, écraser les pavés de tout le poids de son amour.  Dépasser le monde, afficher de l’insolence, de l’arrogance, de la jouissance. Ivresse, intensité de la vie, tourbillon. Perte de repères, oubli de soi et des autres. Besoin impérieux de l’autre. Je dis que ça met la tête à l’envers.  

 

 

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6 juillet 2013 6 06 /07 /juillet /2013 10:00

 

Photo-028.jpg

 

C’est mon état d’esprit en ce moment. Plus tout à fait au travail, pas encore en vacances. Juste dans l’espace-temps qui rend euphorique, l’espace du ouf, enfin, bientôt, combien de jours encore ? Au travail tout le monde pose la question à tout le monde, et chez le boulanger, chez le médecin ou à Carrefour Market. Cette période semble interminable parce que les têtes sont déconnectées des corps, comme détachées. Les cerveaux baignent dans de petites vagues bleues et les yeux créent des plages de sable fin sur les murs du métro et les flancs des bus. Parfois même ils ne créent rien, les villes fabriquent des plages sur les bords des fleuves. Afin de faciliter le travail des neurones, je suppose.

Et puis c’est l’époque des soldes,  l’été se pare de tenues légères à moindre coût, il est tellement grisant de le suivre dans sa course aux bonheurs éphémères. Ne penser à rien d’important ou de grave, lézarder au soleil dès la sortie du bureau, profiter des longues soirées d’avant les vacances. Car elles en ont la saveur et la couleur, en offrent la promesse. Etablir un programme, planifier chaque jour de congé ou ne rien envisager du tout, se laisser guider. Se projeter dans, s’élancer vers….

Et réaliser que c’est la plus belle étape, où l’on respire, on est vivant. Car les vacances se déroulent vite et ne laissent que des photos pour trace, le souvenir ne suffit pas. A lui seul, il ne rétablit pas l’intensité des vacances, leur volupté.  L’avant départ procure chaque fois un plaisir intense, comme une petit drogue, il dévisse la tête ! Et ceux qui ne partent pas, qui ne vont loin, jamais ? Ceux-là ont des projets, des idées pour le lendemain, décident d’une balade, d’une visite. Ils connaissent l’avant, peut-être moins exotique ou surprenant, ils se représentent l’après. Mais dans la tête, ce petit flottement précurseur du projet, qui signifie qu’on oublie le quotidien banal pour un temps,  est souvent présent.

 

 

 

 

 

 

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30 juin 2013 7 30 /06 /juin /2013 13:43

 

Dans le cadre de l’atelier E-criture  chez Michel fondateur de « Ecriture Ludique », selon le thème : La première fois.

 

La-Premiere-fois-quatre-ados-se-confient-a-Elodie-Gossuin-s

J’ai tout de suite pensé aux chansons de France Gall. Pas uniquement parce qu’elles parlent d’amour. Toute première fois s’accompagne d’une mélodie acidulée dans la tête, un frisson, de l’innocence, beaucoup d’enthousiasme. La première fois a quelque chose de lent, doux, comme un rêve, dont on émerge à peine, avec peine. La première fois provient d’une sorte de torpeur. On s’ébroue, se secoue, la vie est là qui invite aux expériences, aux excès. Bonheurs extatiques, déconvenues cuisantes. Et à l’instant des réminiscences, on ne dort pas, comme la toute, toute première fois où l’on  a dormi dans ses bras. On se rappelle, avec fulgurance… Allégresse, détresse… Puis c’est de nouveau, la léthargie, l’engourdissement comme après une séance d’hypnose. La première fois fut un cataclysme, une révélation.

La première fois concerne des événements qui ont bousculé nos vies et dont nous avons conscience. Nos premiers pas ou nos premiers mots ne le sont que pour nos parents. Première balade à vélo, premier ciné, premier plongeon dans la piscine, premier baiser, premier enfant… Nos premières fois marquent les âges de nos vies. Nos premières fois, quelles qu’en soient les conséquences, sont nos avancées.

La première fois, on se retient pas chante France, de sa voix tendre, aigüe, édulcorée. Sa blondeur et ses fossettes, ses mouvements saccadés de la tête,  lui apportent un supplément d’enfance. L’enfant tapi au fond de nous, ne nous quitte jamais, avec cet air buté, il est sur ses gardes.  Il résiste, imprégné de la candeur, de la fraîcheur des premières fois. Dès que le souvenir s’impose à nous, il remporte une petite victoire.

 

 

 

 

 

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27 juin 2013 4 27 /06 /juin /2013 08:00

 

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Pour illustrer le thème proposé par Brunô en ce 105ème jeudi en poésie: le Peintre

 

Quand le jour à grands flots entre par les verrières

Quand les blés dans les champs attrapent la lumière

Le peintre se révèle, l’artiste se dévoile

Emprisonne les sens qu’il jette sur la toile

 

Et quand du bout des ongles  il palpe la matière

Son pinceau virtuose peut restituer le verre

Quand sa main frôle, anime, et caresse la soie

Glissée dans le tableau, l’étoffe vit et chatoie

 

A l’heure du crépuscule quand l’orange bouscule

Les ormes, les passereaux, les frêles campanules

L’homme trempe les crins de son outil fidèle

Dans l’or et le vermeil, Dieu lui greffe des ailes

 

Quand dans son atelier la muse pose en silence

Allongée, dévêtue, immobile indécence

Exhibant de la chair, une main sur les hanches

Il transcrit le désir,  la pulsion, l'avalanche

 

Il est victime du plomb et du blanc de céruse* 

Les couleurs se dérobent, il peaufine sa ruse

Travaille en noir et  blanc, porté par cette foi

Qui définit le monde, avec son cœur, ses doigts

 

 

*allusion à Goya

 

 

 

 

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26 juin 2013 3 26 /06 /juin /2013 10:00

 

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L’agitation d'une foule martelant le sol en tous sens comme se croisent les fils sur la trame d’un métier à tisser, les voix suaves échappées des hauts parleurs, les tortues empilées les unes sur les autres, dans les bassins tropicaux aménagés au cœur de la gare, l’inspirent. Moi aussi, postée  pour le photographier. Il a pour obsession de capter une atmosphère, un paysage, de saisir un geste, une attitude, dresser un portrait. Il rêve  d’accrocher de la magie, de  l’étrange, l’essentiel de la beauté, la pureté, la laideur. Il crée de mémoire ou s’applique à restituer ce que voient ses yeux. La pointe de son crayon glisse sur la page, traçant des courbes ou posant les mots qui viennent à l’instant où le jour décline, les voyageurs s’affolent, et  sa vie à lui… est pleine de grâce.


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Son costume ajusté et son air sérieux trompent le passant qui le croit rigide et solitaire, un rien dédaigneux. Et s’imagine que cette  gare atypique et végétale, en plein centre de Madrid, l’intrigue peu.  Ne peut comprendre que les mots, les lignes sont suspendus aux palmiers et aux escaliers roulants, aux arcades, au toit métallique et vitré, aux panneaux indicateurs, aux langages cosmopolites qui s’entrecroisent. Au crissement des valises et à l’odeur de frite et  de hamburger provenant du fast food. Ne peut admettre qu’il soit aisé de tromper la faim, la soif, et les heures filantes. Ne sait pas voir que cet état, proche de la lévitation et de l’extase,  fait de l’artiste un Prince au-dessus de la mêlée, dont l’existence toute entière est contenue dans ces moments-là.

 

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24 juin 2013 1 24 /06 /juin /2013 08:00

Défi 105 chez Brûno, divagation à partir  d'un tableau de Balthus:

 

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Je peux recommencer à travailler mes cours, ouf ça y est. Elle a compris. Jusqu’ici, je m’agenouillais et m’accoudais à cette chaise, je fermais les yeux en priant le Seigneur qu’elle réagisse et sorte de sa torpeur. Elle se postait devant la fenêtre et regardait courir la route comme on regarde passer les trains, en spectatrice de sa propre vie. Les bras raides le long du corps, le souffle court, immobile, elle écoutait le temps filant dans ses veines. Elle tressaillait parfois, quand les souvenirs devenaient chagrins et la submergeaient. Et se reprenait bien vite, devinait que je m’agitais dans son dos,  l’onde de sa détresse avait dépassé la mienne, en se propageant. Dans la maison vide, nos souffles s’entrechoquaient. Ces deux chaises et la table exceptées, nul mobilier ou bibelot, nulle étoffe n’atténuait la douleur. Elle nous emportait toutes deux au cœur de la tempête dans ce néant qui arrache et soulève les cœurs. Elle persifflait, elle scandait : il est parti. L’homme  qui vous tenait debout, et faisait la vie douce et bonne.  Vous avez perdu, elle, un amant et toi, ton père.

Aujourd’hui elle a sorti l’escabeau, et tiré le rideau d’un geste nerveux. Elle  regarde la route comme le ferait un pilote de course avant de sauter dans son bolide : avec gourmandise ; elle a un foulard dans les cheveux en guise de casque. Elle soupire. Un râle long, puissant se muant en un rugissement provenant des entrailles. Une délivrance, je le perçois ainsi. Elle me tourne  le dos mais sa nuque n’est pas raide et son bras accroché à la toile ne tremble pas. Les murs, on va s’attaquer aux murs, c’est ce qu’elle a dit. Du blanc partout, plutôt que ce jaune moutarde. On va racheter des meubles, une ligne fluide, moderne, des couleurs claires.

Je peux recommencer de vivre mes folies d’adolescente, de m’offrir de l’insouciance pour un temps. Maman va mieux, ses yeux pétillent et les miens aussi. Papa n’est plus, il est en nous, il rayonne, pour toujours.

 

 

 

 

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