L’exposition « Exhibitions, l’invention du sauvage » se déroule en ce moment au Quai Branly, à Paris. Des premiers amérindiens aux phénomènes de foire exhibés jusque dans les années trente à travers la France, la Belgique, la Grande Bretagne, l’Allemagne, les Etats Unis, l’Australie ou le Japon, elle dévoile toutes les facettes de l’exploitation de l’homme par l’homme.
Au départ, les explorateurs présentaient leurs captures comme des trophées dans les cours européennes afin d’obtenir des crédits pour de futures expéditions. Et puis les foires, les auberges amenèrent le profit. Des personnes hors du commun vont inspirer des tableaux, des portraits. On échange des êtres et des images, le sensationnel devient recherché. Ainsi la Vénus Hottentote, les indiens contemporains de Buffalo Bill, des siamois, des géants, des personnes difformes, des albinos ont « leur heure de gloire ». On expose les hommes comme des potiches, ils sont décérébrés. Puisque les objets sont du matériel que l’on peut acheter, vendre ou casser, ces êtres circulent de mains en mains. Ou bien on les dresse, ce sont des animaux. On les met en scène comme des lions en cage, à coup de fouet parfois. Les petits films muets en noir et blancs qui passent en boucle sont édifiants.
Comment ne pas considérer, en toute bonne foi, que certains humains sont inférieurs puisqu’on s’arroge le droit, au nom d’une soi-disant civilisation, de les avilir ? Comment l’homme a-t-il pu se laisser manipuler par son semblable, issu de la même culture? Il y a des cultures et des valeurs, des modèles et des exemples chez tous les peuples. Un homme fier et droit est un homme qui observe, respecte, et tolère. Il ne cherche pas à rabaisser ou à détruire car il ne saccage que lui-même.
L’exposition, judicieusement parrainée par Lilian Thuram, s’achève sur une pirouette : les exhibitions d’êtres humains cessent avec l’apparition du cinéma et l’arrivée de Tarzan sur la toile….
De tous temps l’homme a eu besoin de fables et d’histoires, de magie, de fantasmes et d’horreurs, d’amour et de sang. De guerre et de paix. De triomphes et d’asservissements. Il a inventé les mots suprématie et racisme. Il ne lui reste qu’à les éliminer de son vocabulaire, car ils signent sa barbarie.